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Energies renouvelables

En France, le solaire fait boom, l’hydraulique se maintient et l’éolien à la traîne

Loin d’atteindre ses objectifs climatiques, l’Hexagone reste à la traîne dans le déploiement de l’éolien sur terre et sur mer, selon le baromètre annuel Observ’ER. En 2023, le pays a installé moins d’énergies renouvelables qu’en 2022.
En 2023, la France a fait moins bien qu’en 2022, avec 4,5 gigawatts (GW) de capacités nouvelles raccordées, contre 5,3 GW l’année précédente. (Christopje Archambault/AFP)
publié le 25 janvier 2024 à 20h13

La France s’inscrit dans la dynamique mondiale de croissance des énergies renouvelables. Mais, comme l’an dernier, la progression n’est pas assez forte et l’Hexagone devrait donc peiner à remplir ses objectifs. Ce sont les enseignements mitigés rendus, ce jeudi 25 janvier, par le baromètre annuel ObservER des énergies renouvelables. Du côté du verre à moitié plein : la part du solaire, de l’éolien ou de l’hydraulique dans le mix électrique de la France a atteint 28 % en 2022, un niveau historique. Une performance qui lui permet d’atteindre l’objectif de 27 % fixé par la Commission européenne, avec malgré tout deux ans de retard. Du côté du verre à moitié vide : en 2023, le pays a fait moins bien qu’en 2022, avec 4,5 gigawatts (GW) de capacités nouvelles raccordées, contre 5,3 GW l’année précédente. Mais au final, tranche Frédéric Tuillé, responsable des études chez Observ’ER, «2023 reste une bonne année en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables».

Dans le secteur du photovoltaïque, c’est plein soleil. «Le mouvement est juste dingue, résume Stéfan Louillat, chef de service électricité renouvelable et réseaux à l’Ademe, l’agence de la transition écologique, qui a participé à la réalisation du rapport. Tous les ans, on double quasiment le parc installé.» «Il y a quelques années, on allait pourtant dans le mur», retrace Frédéric Tuillé. Mais depuis trois ans, le secteur explose : après 3,1 GW et 2,6 GW installés en 2021 et 2022, 2,3 GW l’ont été durant les seuls neuf premiers mois de 2023.

Le boom de l’autoconsommation solaire

Cette évolution est notamment portée par l’autoconsommation, ces petites installations prisées des particuliers, un «segment du marché solaire [qui] bat ses propres records de trimestre en trimestre». Le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, Enedis, liste ainsi quelque 390 000 installations de ce type en France au troisième trimestre 2023. L’autoconsommation collective, qui permet à un acteur qui a installé des panneaux solaires de vendre l’électricité produite à ses voisins, affiche même une croissance de 300 % en deux ans.

Les autres secteurs n’ont pas eu la même dynamique. En 2022, la sécheresse a mis à mal l’hydraulique, première source des énergies renouvelables en France. A tel point qu’elle a atteint son plus bas niveau de production électrique depuis 1976, après deux années consécutives de baisse. L’année 2023 devrait en revanche inverser la tendance puisque EDF (70 % de la production hydroélectrique en France) a annoncé en début d’année que la production devrait augmenter de près de 19 %.

Le baromètre confirme les alertes qui ont surgi çà et là au sujet du secteur de l’éolien. Si 2022 est «une bonne année», avec un record en termes de nombre de raccordements depuis le début d’essor de la filière, «les tendances pour 2023 sont moins optimistes», affirme le rapport. «C’est un marché qui ne progresse pas, résume Frédéric Tuillé. Année après année, les lenteurs administratives sont les mêmes et seul 20 % du territoire est éligible» à l’installation d’éolien terrestre. Richard Chamaret, administrateur à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), l’association nationale des services publics en réseaux également partie prenante dans la rédaction du rapport annuel, fait d’ailleurs un parallèle entre ce temps qui s’étire pour l’installation de projets d’énergie renouvelable et la «grogne des agriculteurs», regrettant notamment le retard pris dans la publication du décret sur l’agrivoltaïsme. Et d’ajouter : «Il faut qu’un projet éolien ou de méthanisation puisse se faire en trois ans maximum.»

L’éolien maritime a, lui, connu une pause en 2023. Après la mise en service du parc situé au large de Saint-Nazaire en 2022, ceux de Saint-Brieuc et Fécamp, qui représenteront 1 GW de puissance installée, ne devraient entrer en fonction qu’en 2024. Le pays est à la traîne : avec 1,5 GW d’éolien en mer à la fin de l’année 2024, il reste loin de l’Allemagne (8 GW) ou de l’Espagne (5 GW). Or l’éolien offshore a «un potentiel énorme», rappelle Richard Chamaret.

D’ailleurs, si la France reste le leader européen incontesté du nucléaire, les comparaisons avec le reste du Vieux Continent en matière d’énergies renouvelables ne sont pas à son avantage. Pourtant dans la moyenne de l’UE en 2000 avec 13,7 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique, elle se trouve désormais loin derrière l’Allemagne, l’Italie ou le Portugal – qui est parvenu à fonctionner à 100 % d’énergies vertes plusieurs jours de suite durant l’automne.

2024 représente d’ailleurs une année charnière pour l’Europe. Côté industrie, Stéfan Louillat, de l’Ademe, note des «annonces assez inquiétantes, notamment outre-Rhin dans le secteur photovoltaïque». L’énergéticien allemand Siemens Energy, parmi les leaders mondiaux, a annoncé en décembre une perte nette annuelle de 4,6 milliards d’euros, en raison notamment de «problèmes de qualité» des éoliennes du groupe, de l’augmentation des coûts des matériaux de production et des taux d’intérêt. Ce qui a entraîné un plan de sauvetage de 15 milliards d’euros pour l’entreprise, financé principalement par l’Etat et des banques privées. Encore moins rassurant : la rentabilité de la branche éolienne ne devrait plus être atteinte qu’en 2026, soit deux ans plus tard que prévu.

En France aussi l’année qui s’ouvre inquiète le secteur des ENR. Lors de la présentation du baromètre, Vincent Jacques le Seigneur, président de l’association ObservER, a fustigé l’absence d’un ministre de l’Energie et d’objectifs chiffrés dans le futur projet de loi sur la souveraineté énergétique, dont la présentation a été repoussée. Un volet retiré «au nom du temps nécessaire pour dialoguer» et «consulter les élus locaux», avait tenté de justifier le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Malgré l’absence de feuille de route étatique claire, Stéfan Louillat, de l’Ademe, parie sur un boom de l’énergie verte : «2024 va de nouveau être très rythmée» du côté des énergies renouvelables.