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Libération
Souffle maritime

Energies renouvelables : le parc maritime éolien français prend enfin son envol

Après avoir longtemps laissé de côté l’éolien en mer dans sa politique énergétique, Paris s‘est fixé des objectifs ambitieux de déploiement sur son littoral, qui commencent à devenir réalité
Le parc éolien de la baie de Saint-Brieuc, en septembre 2024, (Fabrice Picard/Vu pour Libération)
publié le 20 septembre 2024 à 7h34

Dans son discours à Belfort en février 2022, Emmanuel Macron avait annoncé le changement de braquet de la France sur l’éolien offshore, longtemps parent pauvre de la politique de l’énergie. Le président de la République annonçait viser le développement de 40 GW de puissance installés sur le littoral d’ici à 2050. A titre de comparaison, le parc nucléaire actuel en représente 61 GW. Au-delà des débats sur l’intermittence des différentes technologies, cela représentera une montée en régime conséquente, ainsi que le passage de la terre à la mer pour la majorité des prochains parcs éoliens.

A ce jour, seuls trois parcs en mer sont raccordés au réseau électrique français : à Saint-Nazaire (480 MW) depuis juin 2022 à Fécamp depuis le printemps 2024 (autour de 500 MW chacun) et à Saint-Brieuc, inauguré officiellement cette semaine. D’autres doivent être mis en service dans les deux prochaines années : au large de Courseulles-sur-Mer et des îles d’Yeu et de Noirmoutier (tous les deux en 2025), de Dieppe-Le Tréport (fin 2026) et à Dunkerque en 2028 – même si Wind Europe, qui représente la filière de l’éolien en Europe, dit s’attendre à ce que ce parc soit à pleine puissance après 2030. En parallèle, des «fermes pilotes» d’éoliennes flottantes sont en passe d’être opérationnelles, et le premier parc avec cette technologie (moins au point que l’éolien «posé») a été attribué au printemps dernier sur le littoral sud breton. L’échéance : 2031.

Dans son dernier rapport publié mi-septembre, Wind Europe a chiffré la montée en régime de la France dans ce domaine. Plus de la moitié de toute la puissance offshore installée sur les six premiers mois de cette année sur le Vieux Continent l’a été sur les côtes hexagonales. «La France a passé un cap industriel extrêmement important, analyse Pierre Tardieu, directeur des affaires publiques de Wind Europe. Beaucoup de recours avait été intentés contre des projets, ce qui avait entraîné du retard dans les calendriers. Désormais, nous pouvons nous projeter sur le fait que l’Hexagone va prendre toute sa part dans le développement de l’éolien offshore en Europe.»

Objectif de 18 GW en 2035

Mais Paris doit malgré tout accélérer : en mars 2022, le «Pacte éolien en mer entre l’Etat et la filière» fixait un premier palier à 18 GW en 2035, un délai pas si lointain puisque la durée qui s’écoule entre la désignation du lauréat et la mise en service est souvent d’une dizaine d’années. «C’est un objectif ambitieux mais réalisable s’il y a une véritable volonté politique, poursuit Pierre Tardieu. Le secteur a désormais le retour d’expérience et de terrain, il peut se projeter plus facilement et accélérer certaines étapes.»

Le rapport de force terre-mer n’est pas une spécificité française, et, en Europe, l’éolien est toujours dominé, très largement, par le terrestre. Sur les 278 GW de puissance installée en Europe (Royaume-Uni inclus), dont 225 GW dans la seule UE, 242 GW le sont sur terre et 36 GW en mer. Le Royaume-Uni fait figure d’exception : la moitié de ses installations se trouvent en mer. Les proportions devraient évoluer un peu d’ici 2030, Wind Europe prévoyant 296 GW d’éolien terrestre dans l’UE contre 54 GW en mer. Des estimations cumulées de 350 GW, qui restent en deçà des objectifs fixés par Bruxelles (425 GW).

Le sud de l’Europe à la traîne

Plusieurs éléments rassurent en revanche le secteur. Les investissements ont progressé au premier semestre 2024 par rapport à l’an dernier. Et de gros contrats sont déjà signés lors du second : au Royaume-Uni, sept projets d’éolien en mer ont été sélectionnés début septembre, pour une capacité totale de 5,3 GW. Le sud de l’Europe, en retard sur la partie nord du continent pourrait lui aussi voir ses capacités s’envoler dans la prochaine décennie. «Mais c’est plus une question technologique que de volonté politique», explique Pierre Tardieu, de Wind Europe, qui rappelle que les fonds marins de la Méditerranée, plus profonds, rendent plus compliqué l’éolien en mer posé. Et d’ajouter : «Les évolutions attendues et l’expérience acquise dans les premiers projets flottants permettront d’avancer plus vite dans cette partie du continent, en Espagne notamment.» Reste quelques problèmes de taille : selon le rapport semestriel de Wind Europe, les problèmes de capacité portuaires en Europe devraient causer «des retards dans la construction de projets dans toute l’Europe à partir de 2029». L’envol de l’éolien offshore pourrait être plus progressif qu’il ne le faudrait.