On savait depuis le début d’année que la France ne devrait pas atteindre ses objectifs de développement des énergies renouvelables en 2023. La Cour des comptes confirme. Selon un rapport rendu lundi 16 octobre au soir, «les objectifs relatifs à la production d’électricité d’origine éolienne n’ont pas été atteints». Et au-delà du problème que cela pose en termes de lutte contre le réchauffement climatique, la France est le «seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 2018», le document européen de référence en matière d’énergie renouvelable. Fin 2022, les capacités éoliennes développées en France représentaient 20,9 GW, soit seulement 80 % de l’objectif fixé dans la dernière Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Conséquence, qui pourrait s’avérer lourde pour Bercy : «La France doit acheter des “droits statistiques” pour des sommes importantes et encourt en outre des sanctions financières», pointe la Cour des comptes.
La rue Cambon prend en compte dans son rapport «certaines réponses» apportées par la loi d’accélération des énergies renouvelables (AER) promulguée en mars, qui «cherche à remédier» à ces obstacles et qui «fait de la simplification des procédures une priorité». Car pour la juridiction, la difficulté de la France à atteindre ses objectifs «a pour cause principale les obstacles qui entravent le développement de l’éolien». Parmi ces embûches, la Cour pointe notamment du doigt les «obstacles réglementaires» qui «limitent le foncier disponible» à seulement «20 % du territoire». Ce qui a pour conséquence une concentration du parc dans deux régions : 45 % des parcs et 50 % de la puissance installée se trouvent ainsi en Hauts-de-France et dans le Grand-Est, qui ne représentent que… 16 % du territoire métropolitain.
Autre obstacle : les délais moyens pour obtenir une autorisation de construction pour les parcs sont de sept ans sur terre et de dix ans en mer, «soit parfois près du double des pays voisins». Si la loi AER instaure notamment «des zones d’accélération», la Cour explique également que «leur délai d’élaboration n’en garantit pas la cohérence avec les objectifs de la PPE».
Procédure «peu agile»
Les conditions tarifaires sont en outre un frein au développement de l’éolien terrestre. Le système du guichet ouvert «est longtemps resté le modèle dominant au détriment d’une mise en concurrence par appel d’offres». Réformé depuis l’an dernier, celui-ci concernait uniquement des parcs éoliens de 6 turbines et 18 MW de puissance maximum. Mais comme ses conditions tarifaires (72 à 74 €/MWh) sont plus intéressantes que celles des appels d’offres, «le guichet ouvert a incité les producteurs, pour être éligibles, à réduire la taille de leurs installations. De 2017 à 2022, il a drainé la majorité des capacités et donc limité le nombre de candidats aux appels d’offres». «Ce manque d’attractivité des appels d’offres a contribué, avec le rythme trop lent de délivrance des autorisations environnementales, à freiner la progression de la production éolienne, l’empêchant d’atteindre les objectifs fixés par la PPE», conclut la Cour des comptes. Et tout ça alors que de nombreux parcs vont arriver en fin de vie et que la question de leur renouvellement pourrait poser question, notamment pour ceux installés près des habitations.
Concernant l’éolien maritime, la juridiction recommande à l’Etat de «structurer la maîtrise d’ouvrage et le pilotage du déploiement des parcs éoliens en mer», face à une procédure jusqu’ici «peu agile», faisant «intervenir les administrations centrales de façon séquentielle», et qui «ne saurait répondre au défi du développement de cinquante parcs d’ici 2050». La Cour rappelle enfin que, puisque «l’acceptabilité sociale de l’éolien conditionne son développement, la question de la compensation des externalités négatives ne peut être éludée, en particulier pour l’éolien maritime au regard des zones de pêche».