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Libération
Interview

Fabrice Angeï de la CGT : «Le télétravail doit se faire sur la base du volontariat»

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
La fin du minimum de jours télétravaillés pose la question du futur du cadre du travail à distance. Pour le secrétaire confédéral de la CGT, cela doit être une décision choisie et non pas subie par le salarié.
Photo d'illustration. (Eva Plevier/Reuters)
par Lucie Léquier
publié le 30 août 2021 à 18h59

La ministre du Travail, Elisabeth Borne, l’a annoncé ce lundi matin : à compter du 1er septembre, les employeurs ne seront plus tenus de suivre les recommandations du protocole sanitaire qui préconisait un nombre de jours minimal télétravaillés. C’est désormais «à la direction de l’entreprise, en discussion avec les représentants des salariés, de définir les règles en matière de télétravail», selon les mots de la ministre. Un nouveau protocole doit être publié mardi soir. Pour Fabrice Angeï, secrétaire confédéral de la CGT, travailler à distance doit se faire sur la base du volontariat, et pas à temps plein.

Renoncer à favoriser le télétravail en entreprise : est-ce un choix judicieux face au virus ?

Si le télétravail a été un moyen de lutte efficace contre la pandémie, c’est avant tout un mode d’organisation de l’activité et pas seulement une mesure sanitaire. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga, ni le seul moyen de lutter contre la propagation du virus. Le respect des gestes barrières, la distanciation, etc., ont aussi protégé les salariés en présentiel.

La pandémie a été un exercice grandeur nature pour les salariés. Certains ont trouvé des points positifs au télétravail, qui a pourtant été plus ou moins imposé et subi. Mais les salariés ont aussi vu les écueils à éviter notamment en matière de santé : isolement, auto-pression… Ainsi que les problèmes en termes de droit à la déconnexion, de prise en charge des frais d’indemnisation, de cadre de travail. Tout le monde ne bénéficie pas d’un bureau séparé, ni de matériel adapté à domicile. Certains parents, en particulier les femmes, ont dû cumuler travail et garde d’enfants. C’est pourquoi les modalités futures du télétravail doivent faire l’objet de négociations sérieuses sur tous ces points. Il doit rester sur la base du volontariat, et pas à temps plein.

Est-ce que la fin du minimum de jours en télétravail va changer quelque chose en pratique ?

Il s’agissait d’une mesure de recommandation incluse dans le protocole sanitaire assoupli le 9 juin. Mais si on la mettait en application, l’employeur pouvait forcer son salarié à se déclarer en télétravail. Désormais, le télétravail ne pourra pas être imposé sans l’accord du salarié.

Avec les autres partenaires sociaux, nous avons été consultés en amont par le gouvernement. Nous avons insisté sur le fait qu’il était souhaitable de sortir du cadre du protocole, qui ne fixait pas de garanties, pour aller vers des accords complets négociés dans les entreprises ou les branches. Il s’agit de ne pas de substituer à la décision unilatérale du gouvernement une décision tout aussi unilatérale de l’employeur.

Le télétravail est-il appelé à se généraliser et à se pérenniser dans le monde du travail ?

C’est un mode d’organisation appelé à durer, mais on ne peut pas pour autant en déduire que le télétravail va exploser partout. Son développement sera hybride, avec une bonne part de présentiel.

En tout état de cause, certains métiers et certaines tâches ne sont pas «télétravaillables», y compris les métiers de première ligne : pour une aide-ménagère à domicile, télétravailler est un peu compliqué ! Il y a aussi un vécu différent selon les métiers, selon les territoires et leurs infrastructures de réseau, et selon qu’on habite dans une grande ville ou en province. Cinq minutes de trajet contre une heure de métro ou de RER, ça fait la différence !

Dans d’autres métiers, il y a aussi la nécessité d’un travail collectif, d’une communauté de travail, un besoin de se retrouver. Se pose aussi la question de comment joindre facilement les représentants du personnel, les organisations syndicales, et à l’inverse comment contacter les salariés à distance…

Que recommandez-vous ?

Il faut surtout se poser la question de ce qui motive les salariés à avoir recours au télétravail. Il n’y a pas que les temps de transports, mais également une envie de liberté. Le télétravail ne peut pas être pensé en dehors d’une réflexion sur le climat au sein de l’entreprise et les conditions de travail. Liberté qui peut d’ailleurs être illusoire s’il n’y a pas de droit à la déconnexion… C’est pourquoi poser un cadre clair entre salariés et employeurs est très important.