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Libération
Bras de fer

Feu vert de l’Union européenne pour taxer les voitures électriques chinoises

Les Etats membres de l’Union européenne ont validé ce vendredi 4 octobre l’imposition de droits de douane sur les voitures électriques importées de Chine. Mais Berlin redoute une guerre commerciale avec Pékin.
Sur le parking de l'usine Geely de Jinzhong, dans la province chinoise du Shanxi, en septembre 2022. (VCG/Getty Images)
publié le 4 octobre 2024 à 13h00
(mis à jour le 4 octobre 2024 à 15h06)

Les taxes sur les voitures électriques chinoises n’étaient jusqu’alors qu’une menace brandie par l’Union européenne. Mais ce vendredi 4 octobre, les 27 ont confirmé lors d’un vote l’imposition de droits de douane sur les voitures électriques importées de Chine. La Commission européenne a désormais les mains libres pour ajouter aux 10 % de taxe déjà en place une surtaxe allant jusqu’à 35 % sur les véhicules à batterie de fabrication chinoise. Ces droits compensateurs doivent entrer en vigueur fin octobre.

L’objectif est de rétablir des conditions de concurrence équitables avec des constructeurs accusés de profiter de subventions publiques massives. Il s’agit aussi de défendre la filière automobile européenne et ses quelque 14 millions d’emplois contre des pratiques jugées déloyales, identifiées au cours d’une longue enquête de la Commission.

Berlin exhorte l’UE à éviter une «guerre commerciale»

Lors de ce vote, les Etats membres de l’Union européenne se sont pourtant montrés divisés. D’un côté, le projet de surtaxe a reçu le soutien de dix Etats membres dont la France, l’Italie et la Pologne. Douze autres se sont abstenus, dont l’Espagne et la Suède qui avaient pourtant exprimé leur hostilité. De l’autre, l’Allemagne et la Hongrie font partie des quatre pays à s’être exprimés contre, Berlin en raison des possibles répercussions sur ses fleurons BMW, Mercedes et Volkswagen, fortement implantés en Chine, le premier marché automobile mondial ; Budapest car, sur la trentaine d’usines du secteur des voitures électriques prévues d’ici 2030, la majorité sera chinoise, notamment les géants BYD et CATL. Elle a cependant largement échoué à rassembler la majorité nécessaire pour renverser la décision de la Commission.

Le ministre allemand des Finances a dans la foulée exhorté la Commission européenne à éviter le déclenchement d’une «guerre commerciale» avec Pékin. Christian Linder a appelé à «une solution négociée» avec Pékin. Le premier groupe automobile européen Volkswagen a lui aussi dénoncé ce feu vert, une «mauvaise approche» selon lui pour la compétitivité de l’industrie européenne. «Nous appelons la Commission européenne et le gouvernement chinois à poursuivre de manière constructive les négociations en cours en vue d’une solution politique», a déclaré le constructeur allemand dans un communiqué.

De son côté, la Chine dénonce une démarche «protectionniste». Elle a déjà répliqué en lançant des enquêtes antidumping visant le porc, les produits laitiers et les eaux-de-vie à base de vin importés d’Europe, dont le cognac. «Nos demandes de report du vote et de solution négociée ont été ignorées. Les autorités françaises nous ont abandonnés. Nous ne comprenons pas pourquoi notre filière est ainsi sacrifiée», a réagi le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) dans un communiqué.

Poursuite du dialogue avec Pékin

En outre, les divisions au sein des 27 sur ce dossier épineux n’ont pas permis de réunir la majorité qualifiée nécessaire – au moins 15 Etats membres représentant 65 % de la population de l’UE – pour approuver formellement les surtaxes. Mais, faute de vote clair dans un sens ou dans l’autre, l’exécutif européen pourra, comme il en a l’intention, mettre en œuvre ces droits de douane compensateurs, qui s’appliqueront aussi aux modèles des groupes non chinois assemblés en Chine.

Leur montant pourra varier selon le constructeur en fonction du niveau estimé des subventions reçues. Dans le détail, les taxes supplémentaires s’élèveront à 7,8 % pour Tesla, 17 % pour BYD, 18,8 % pour Geely et 35,3 % pour SAIC, le leader du marché chinois, selon un document final transmis aux pays membres le 27 septembre. Un dialogue se poursuit toutefois entre le commissaire européen Valdis Dombrovskis et le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao, pour tenter de trouver une solution négociée au conflit.

Ce vote s’inscrit dans un contexte plus large de tensions commerciales entre les Occidentaux, Washington en tête, et la Chine, accusée de détruire la concurrence dans plusieurs autres secteurs comme les éoliennes, les panneaux solaires ou encore les batteries. Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a lui annoncé le 14 mai une hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100 %, contre 25 % précédemment. A Berlin, Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont par ailleurs mis en lumière leurs désaccords. «Je soutiens la Commission européenne», sur le sujet des droits de douane contre constructeurs chinois, a assuré mercredi le président français. «La question c’est celle du modèle que l’on veut : veut-on être des consommateurs ou des producteurs ?» a-t-il interrogé, invitant à ne pas reproduire les erreurs passées qui ont créé une «dépendance» à l’égard du géant chinois. De la même manière, il a défendu un «choc d’investissement» avec de l’argent public européen pour rattraper le retard de compétitivité face aux Etats-Unis et à la Chine. Y compris, comme le propose le rapport de l’ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, par des emprunts communs des Vingt-Sept dont Berlin ne veut pas entendre parler. Scholz a de son côté fait valoir que les efforts visant à protéger les industries européennes contre les pratiques commerciales déloyales «ne doivent pas nous conduire à nous faire du tort». Deux visions opposées, mais, ce vendredi, celle défendue par Paris, dans une forme de protectionniste qui ne dit pas son nom, a été majoritaire dans l’Union sur la question des voitures électriques.

Mise à jour à 15 heures : avec la rencontre Macron-Scholz.