Menu
Libération
Loi antigaspillage

Fin de l’impression du ticket de caisse : «Un recul majeur du droit des consommateurs» pour l’UFC-Que choisir

Consommation responsabledossier
Présentée comme une mesure de simplification et un geste pour la planète, la fin de l’obligation de fournir aux clients un ticket de caisse n’est pas bien accueillie par les associations de consommateurs.
Sauf exceptions, les tickets de caisse ne seront désormais remis qu'aux acheteurs en faisant la demande. (Jean-Marc Barrere/Hans Lucas via AFP)
par Eléna Roney
publié le 2 août 2023 à 15h21

Après avoir été reportée du 1er janvier au 1er avril, puis du 1er avril au 1er août en raison de l’inflation, la fin de l’impression systématique des tickets de caisse est entrée en vigueur mardi 1er août. Ils ne seront plus automatiquement remis, sauf dans quelques cas précis. Le client qui souhaite recevoir la preuve écrite de ses achats devra la demander. Il s’agit de l’application d’un volet de la loi antigaspillage pour une économie circulaire, votée en 2020 lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Son objectif ? Proposer des réponses à la crise climatique, notamment en limitant les déchets liés à la production et à la consommation. Selon le ministère de l’Economie, 12,5 milliards de tickets avaient été distribués en 2022, nécessitant la coupe de 25 millions d’arbres et l’utilisation de 18 millions de litres d’eau.

«L’aspect écologique de cette mesure est très présent. On veut améliorer la situation de notre planète et cette décision en fait partie», affirme Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France qui regroupe 450 000 entreprises, majoritairement indépendantes. Celle-ci a travaillé avec Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, pour préparer la mise en place de cette décision. «On a accompagné nos commerçants au jour le jour et ils n’ont pas manifesté de contestation. On leur a donné beaucoup d’informations, assure-t-il. Les tickets de caisse ne disparaissent pas. Dans les situations où il y en a besoin, il est remis par le commerçant. Et le client est toujours à même de le demander s’il le souhaite.»

Si la Confédération des commerçants de France salue la fin de l’impression automatique, elle n’encourage pas les commerçants à dématérialiser les factures afin de protéger les données personnelles des consommateurs. «Il y a eu des questions de la part des commerçants sur la dématérialisation des tickets, rapporte sa déléguée générale, Laure Brunet-Ruinart. On la déconseille, car nous ne sommes pas prêts par rapport au RGPD [règlement général sur la protection des données, ndlr]Du fait de la diminution du nombre de rouleaux à acheter, «il y a également la possibilité d’une légère dépense en moins, explique Francis Palombi. Mais je ne pense pas que ça pèse énormément sur leurs chiffres d’affaires. C’est plus une simplification pour eux».

Un intérêt écologique «largement contestable»

Cette mesure n’est cependant pas du goût de tous les consommateurs. Les tickets de caisse font partie du quotidien des Français et nombreux encore sont les acheteurs qui aiment vérifier s’il n’y a pas eu d’erreur après leur passage en caisse. Dans une enquête publiée en mars par Perifem (fédération d’acteurs de la distribution), 90% des personnes interrogées déclaraient vérifier leur ticket de caisse, 63% d’entre elles faire leurs comptes à partir du petit rectangle de papier et 38% le jeter en sortant du magasin.

Pour l’UFC-Que choisir, «cette décision revient à priver les consommateurs d’un véritable choix et donc cela les expose à un recul majeur de leurs droits». Selon les bénévoles des associations locales, «l’inquiétude est d’ores et déjà palpable», car la preuve d’achat est «indispensable pour bénéficier d’un échange, […] vérifier l’exactitude du montant de la transaction […] et un outil de gestion du budget». L’association souhaite que le gouvernement revienne sur sa décision, d’autant plus que, selon elle, son intérêt écologique est «largement contestable». «Certains spécialistes soulignent que l’édition d’un ticket papier émet moins de gaz à effet de serre que sa dématérialisation appelée à le remplacer», indique-t-elle.

Depuis le début de la semaine, le gouvernement communique beaucoup sur cette mesure. Olivia Grégoire a partagé sur son compte Twitter plusieurs tweets et vidéos vantant les bienfaits écologiques de cette décision. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a loué mardi sur France Inter «un geste écologique de bon sens». Un geste politique également, destiné à prouver aux commerçants que ce gouvernement pense à eux… Selon Ipsos, lors de la présidentielle de 2022, les professions intermédiaires – dont fait partie la majorité des commerçants – avaient voté à 28% pour Emmanuel Macron et à 24% pour Marine Le Pen.