La relance a – à peu près – marché. Les 100 milliards d’euros consacrés à France Relance, ce plan fourre-tout d’une centaine de mesures présenté en septembre 2020, pour faire face à la crise économique déclenchée par la pandémie et les confinements, et financé à 40 % par l’Union européenne qui rembourse la France au fur et à mesure, ont globalement atteint les principaux buts poursuivis. C’est la conclusion du rapport final du Comité d’évaluation de ce plan publié par France Stratégie et commandé par le Parlement sur cette enveloppe dépensée entre 2020 et 2022. «Il a ainsi été montré, dans une certaine mesure, qu’on pouvait mettre en place un plan de relance visant à stimuler l’activité à court terme, sans renoncer à des objectifs plus structurels, avec des mesures de soutien au tissu productif et à sa décarbonation», écrivent les membres dans leur avis.
L’un des grands objectifs de ce plan massif était de soutenir l’activité économique afin qu’elle retrouve son niveau de 2019, celui d’avant la crise, à l’été 2022. Cela a été le cas, avec quelques mois d’avance, au quatrième trimestre 2021. Le plan de relance aurait permis un surcroît d’activité de 1,4 % en 2022, selon les calculs réalisés par l’Observatoire français des conjonctures économique (OFCE) pour ce comité, et de 3‚7 % sur la période 2020-2025. Mais cette contribution à la reprise de l’activité a été «très minoritaire par rapport à l’effet rebond notamment généré par la levée des restrictions sanitaires», tempère le rapport, qui rappelle qu’entre 2020 et 2022, le produit intérieur brut a crû de 9 % avant de ralentir nettement ensuite. Par ailleurs, «le retour du PIB au-dessus de son niveau d’avant-crise ne signifie pas que l’impact de la crise a été neutralisé, car la croissance perdue de l’économie – celle qui aurait été constatée en l’absence de crise – reste à rattraper», relèvent les membres du comité.
Répartition équilibrée sur le territoire
A propos du déploiement de ces milliards, l’une des grandes inquiétudes des parlementaires, le comité salue le «respect» du rythme prévu de décaissement et une répartition équilibrée sur l’ensemble du territoire. «Il existait un risque sur le fait que les zones qui s’en sortent le mieux, qui répondent le plus aux appels à projets, soient davantage bénéficiaires, mais nous constatons un panachage», explique l’économiste Xavier Jaravel, qui préside le comité. «L’ensemble des zones d’emploi a bénéficié du plan de relance, même s’il existe des écarts importants entre zones les mieux servies et celles moins bien servies. Nous ne constatons pas de corrélation avec les caractéristiques socio-économiques», ajoute Sylvie Montout, la rapporteuse du rapport, qui a recensé le déploiement géographique de 68 milliards du plan.
Cependant les 100 milliards d’euros n’ont pas encore été totalement injectés dans l’économie française. A la fin novembre, 93 % des dépenses étaient engagées et 73 % étaient décaissées. Les taux diffèrent selon les missions. Alors que les 30 milliards d’euros prévus dans le volet «écologie» ont tous été engagés et à 71 % dépensés, les 14 milliards dédiés à la «compétitivité» en dehors du financement de la baisse des impôts de production (qui sera évaluée plus tard cette année), ne sont engagés qu’à 84 % et décaissés qu’à 52 %. Ce serait, relève le rapport, «en raison de la forte part de ce volet allouée aux mesures de soutien à l’innovation dont le décaissement est, par nature, plus étalé dans le temps». Les taux ne sont pas non plus élevés pour le volet «cohésion» (notamment le plan 1 jeune, 1 solution) : seulement 67 % des 36 milliards d’euros prévus ont été décaissés. «Cela s’explique par l’engagement de seulement un tiers de l’enveloppe allouée aux administrations de sécurité sociale et en particulier au Ségur de la santé», précise le rapport.
Dispositif perfectible
En entrant dans le détail de quelques-unes des mesures contenues dans ce plan, le rapport met en évidence des effets bénéfiques sur l’emploi de deux dispositifs en particulier, le renforcement de l’aide à l’apprentissage et le soutien à la rénovation thermique des bâtiments, qui comptent pour une partie du surcroît de 350 000 emplois en 2022 rattachable à ce plan de relance.
Selon les premiers résultats, les travaux de rénovation, avec notamment MaPrimeRenov, auraient généré 100 000 emplois dans la construction en 2022, soit en intégrant les emplois créés avant et après 2022, un «coût par emploi créé serait de l’ordre de 60 000 euros», contre 84 000 euros en moyenne par emploi créé par le plan de relance, toutes mesures confondues. «On aurait pu craindre que ces milliards d’euros se soient répercutés uniquement en augmentations de salaires et pas en emplois créés», remarque Cédric Audenis, commissaire général par intérim de France stratégie. Les premières estimations du coût budgétaire rapporté à l’impact sur les émissions de CO2 sont encourageantes. L’ordre de grandeur, sans doute surestimé, serait autour 70 euros la tonne de CO2 économisée. Le dispositif reste néanmoins largement perfectible. Non seulement MaPrimeRenov ne parvient pas à déclencher de nombreuses rénovations d’ampleur, mais elle ne concerne quasiment que les maisons individuelles. Les logements collectifs ne représentent que 4 % des rénovations subventionnées en 2022, alors qu’ils «représentent près de la moitié des résidences principales». Des ajustements ont eu lieu dans le dernier budget.
Améliorer le ciblage des dépenses publiques
D’autres mesures ont eu un effet sur les émissions de CO2, comme le bonus-malus sur l’automobile (le plan de relance a consacré 1 milliard à l’augmentation du bonus). «Le dispositif expliquerait 40 % de la progression de la part de marché des véhicules électriques de 2019 à 2021, et un tiers de la réduction des émissions des véhicules neufs de 2019 à 2021», estime l’Institut des politiques publiques (IPP). «On peut ainsi calculer que 600 euros de bonus permettraient d’éviter l’émission d’une tonne de CO2», calcule le rapport. En revanche, la prime à la conversion, dont l’éligibilité a été modifiée avec le plan de relance, «ne semble pas accélérer la sortie définitive du parc des véhicules polluants».
Les effets sont encore plus contrastés pour les 3,4 milliards d’euros consacrés au financement des industries, par le programme de soutien à leur modernisation ainsi que par les subventions distribuées dans le cadre du plan Industrie du futur. Ce dernier dispositif «semble avoir davantage financé la modernisation de chaînes de production vieillissantes vers des machines de production programmable, soit “l’industrie 3.0”, qu’un passage à “l’industrie 4.0”, regrette le comité d’évaluation. Et d’ajouter que les entreprises bénéficiaires «sont plutôt des entreprises dynamiques à forte productivité du travail (avant crise) et étaient déjà mieux équipées avant le recours au guichet», et qu’elles «étaient relativement plus avancées technologiquement que les entreprises non aidées». De quoi inciter à améliorer le ciblage des dépenses publiques, et notamment celles en faveur des entreprises, largement bénéficiaires de ces 100 milliards.