Une belle annonce mais encore loin des espèces sonnantes et trébuchantes dans les caisses de Bercy. Le gouvernement entend récupérer la somme record de 14,6 milliards d’euros au titre de la lutte contre les fraudes fiscales, sociales et douanières en 2022, a annoncé le ministre des Comptes publics Gabriel Attal dans une interview donnée au Parisien mercredi soir. Parmi cette somme, «presque 9 milliards» d’euros viendraient des entreprises, selon Attal. Au total, la lutte contre la fraude pourrait s’élever à «1,2 milliard d’euros de plus qu’en 2021, qui était déjà une année record. [C’est] presque deux fois le budget du ministère de la Justice», détaille-t-il.
Mais ce chiffre mis en avant par Bercy est uniquement celui de la notification de redressement aux fraudeurs, particuliers comme entreprises. Ensuite, une négociation s’ouvre avec l’administration fiscale, qui peut accorder des ristournes contre paiement immédiat et sans contentieux. Il y a également des entreprises qui déposent le bilan et ne sont plus solvables, des contribuables qui prennent la fuite hors des frontières ou encore gagnent en justice contre le fisc, à l’instar de Google en 2019. Par exemple, l’an dernier, les services fiscaux n’avaient récupéré «que» 10,7 milliards sur les 13,2 milliards annoncés, d’après un rapport du Sénat.
Contrôle fiscal «guidé par l’intelligence artificielle»
En 2022, les cas les plus graves de fraudes, soit les sous-déclarations de bénéfices fiscaux pour les entreprises, les sous-déclarations de revenus et les fraudes au crédit d’impôt pour les particuliers - avec des pénalités de plus de 40 % - ont représenté 5,5 milliards d’euros, d’après le ministre des Comptes publics.
Par ailleurs, Gabriel Attal affirme que «pour la première fois, plus d’un contrôle fiscal sur deux a été guidé par l’intelligence artificielle qui permet de repérer des anomalies grâce au croisement des données […] Par exemple, un particulier avec une grande différence entre ses revenus déclarés et son patrimoine, ça fait biper la machine.»
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Concernant la fraude à la TVA, le gouvernement récupère 2,2 milliards d’euros contre 1,5 milliard en 2021, soit «une goutte d’eau par rapport aux chiffres de l’Insee qui estime la fraude à la TVA entre 20 et 25 milliards d’euros par an», souligne Gabriel Attal, pour qui il faut encore «progresser». «Une véritable bascule aura lieu en juillet 2024 quand la facturation électronique entre les entreprises commencera à se mettre en place», a encore dit le ministre.
Côté fraude sociale, les résultats sont aussi «historiques». «Sur la fraude aux cotisations, nous sommes à 790 millions d’euros de redressement. Concernant l’Assurance maladie, on a détecté et évité 316 millions d’euros de fraude en 2022 contre 252 millions d’euros l’année précédente, soit 44 % de hausse», se targue Gabriel Attal. Il s’agit notamment de centres de santé frauduleux, comme les centres ophtalmologiques et dentaires, avec de faux actes facturés à l’Assurance maladie.
Les comptes bancaires étrangers dans le viseur
Pour les fraudes à la CAF, c’est-à-dire aux allocations familiales, de logement et sur le RSA, «on progresse de 14 %. Ce sont 351 millions d’euros détectés ou évités, soit 49 000 cas de fraude». Pour lutter contre la fraude à la résidence, Gabriel Attal a décidé d’interdire dès le 1er juillet prochain le versement d’allocations sur un compte bancaire étranger.
Cela vaudra notamment pour l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées), les prestations familiales, le RSA ou encore l’allocation supplémentaire d’invalidité. «Dans le plan de lutte contre la fraude que je présenterai à la fin du premier trimestre, je veux aller plus loin», explique-t-il dans les colonnes du quotidien, évoquant comme exemple la vérification systématique des personnes pour le versement des retraites. Enfin, pour la fraude douanière, la contrebande de tabac et de cigarettes «explose» et bat un nouveau record : plus de 640 tonnes saisies, contre 400 tonnes en 2021.