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Pensions

Impôts des retraités : la réforme de l’abattement de 10 % devrait faire 1,4 million de perdants

La modification de l’abattement fiscal pourrait en revanche avantager jusqu’à 1,5 million de petites retraites, selon l’Institut des politiques publiques (IPP). Mais le choix du mode de calcul par le gouvernement décidera du nombre de personnes qui pourront en bénéficier, ainsi que des économies à en tirer.
La pension brute moyenne (1 607 euros) a diminué de 1,2 % (une fois l’inflation prise en compte) entre 2022 et 2023, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée jeudi 31 juillet. (Magali Cohen/Hans Lucas)
publié le 1er août 2025 à 17h55
(mis à jour le 1er août 2025 à 17h56)

L’abattement forfaitaire de 2 000 euros pour les retraités, qui remplacera l’abattement de 10 % sur l’impôt sur le revenu, pourrait faire presque autant de gagnants que de perdants. Selon les calculs de l’Institut des politiques publiques (IPP), qui regroupe des chercheurs spécialisés dans l’évaluation des politiques publiques, cette modification de l’abattement annoncé par le gouvernement pour le budget 2026 pourrait pénaliser les pensions de 1,4 million de retraités «plus aisés» (8 % des retraités). Elle pourrait, à l’inverse, augmenter 1,5 million de petites retraites (9 %)… ou seulement 100 000, en fonction du mode de calcul choisi par le gouvernement. Pour les quatorze autres millions de retraités, leur niveau de vie ne va pas bouger de plus d’1 %, selon la note de l’IPP. «Il y a certains retraités pour qui le changement d’abattement ne change absolument rien ou ne change que de quelques euros», précise à Libération Sylvain Duchesne, l’auteur de l’analyse.

Avec ce nouvel abattement forfaitaire de 2 000 euros par an et par personne pour les pensions de retraite, un célibataire recevant moins de 20 000 euros chaque année sera donc gagnant avec cette réforme. L’abattement forfaitaire de 2 000 euros excédera celui obtenu en prenant en compte 10 % de ses revenus, comme c’est encore le cas en ce moment. La même logique s’applique pour un couple. Il faut alors soustraire 4 000 euros des revenus imposables avec 40 000 euros déclarés.

Cependant, pour un couple ayant des revenus s’élevant par exemple à 50 000 euros par an, cela devient moins rentable. Il bénéficie jusqu’ici d’un abattement de 4 399 euros pour l’ensemble du foyer fiscal, soit le seuil maximum établi. Or le plafond va désormais s’établir à 4 000 euros. Pour un célibataire très aisé gagnant par exemple 50 000 euros seul, le plafond va également chuter de 4 399 euros d’abattement à seulement 2 000 euros.

Cette réforme bénéficierait donc «assez largement» aux moins aisés, d’autant plus si elle continue à s’appliquer, comme c’est le cas aujourd’hui, pour le calcul des aides au logement. Ce qui n’a pas encore été tranché par l’exécutif. L’abattement fiscal actuel, appliqué aux revenus d’un contribuable, est en effet pris en compte pour déterminer le revenu qui sert de base de calcul aux aides au logement, ainsi qu’à d’autres prestations sociales.

550 millions d’euros d’économies potentielles

Le gouvernement devra donc décider entre garder l’abattement dans la prise en compte de ce calcul, ce qui ferait 1,5 million de gagnants et 550 millions d’euros d’économies, ou ne plus le faire, et seulement 100 000 retraités verront leur imposition baisser. Dans ce second cas de figure, avec une application de l’abattement uniquement au calcul de l’impôt, l’Etat économisera presque deux fois plus d’argent.

En revanche, nuance l’IPP, l’«effet redistributif» serait «moindre» avec «une grande majorité de perdants à la réforme». Dans son analyse, l’IPP estime que si ce nouvel abattement de 2 000 euros s’applique notamment pour le calcul de l’aide au logement, il sera alors «assez largement redistributif, augmentant les prestations [sociales] et diminuant le montant d’impôt dû pour les retraités moins aisés tout en augmentant le taux d’imposition pour les retraités plus aisés».

Cela pourrait d’autant plus être une bonne nouvelle pour les petites retraites qui ont été mises en difficulté par la crise inflationniste. La pension brute moyenne (1 607 euros) a en effet diminué de 1,2 % (une fois l’inflation prise en compte) entre 2022 et 2023, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée jeudi 31 juillet.

Cette réforme s’additionnerait à celle de la désindexation des pensions de retraite en 2026 vis-à-vis de l’inflation, autre mesure prévue par le gouvernement Bayrou dans le cadre de son «année blanche» - où une grande partie des dépenses publiques seront plafonnées à leur niveau de 2025, sans prise en compte de l’inflation - afin de réduire le déficit public. Une décision qui intervient alors que, pour la première fois depuis plus de quinze ans, le niveau de vie médian est équivalent à celui de l’ensemble de la population, puisque le niveau de vie des retraités était supérieur que celui des actifs. Selon l’administration publique, le taux de pauvreté des personnes retraitées reste tout de même plus faible de 4,4 points de pourcentage à celui de l’ensemble de la population (respectivement 10 % et 14,4 %).