«C’est une question de souveraineté.» En février, Emmanuel Macron annonçait devant le Conseil de l’Union Européenne qu’il était urgent pour l‘Europe de se faire sa place en orbite, dans la course à la diffusion d’Internet depuis l’espace. Ce mardi, un pas a été franchi : le Français Eutelsat et le britannique OneWeb ont annoncé avoir signé un protocole d’accord en vue d’un rapprochement. La veille, l’opérateur de satellite avait fait savoir que des discussions étaient en cours pour fusionner avec OneWeb, une constellation d’environ 650 satellites. Affaire réglée : Eutelsat confirme ce mardi que les deux entreprises détiendront chacune 50 % des actions du futur groupe combiné. La réalisation de l’opération est prévue d’ici «à la fin du premier semestre 2023». Objectif : desservir les régions isolées dépourvues en fibre optique et rivaliser avec les géants américains Starlink et Kuiper.
Rivaliser avec les géants américains
«L’entité combinée serait le premier opérateur satellite multi-orbites offrant des solutions intégrées GEO /LEO [géostationnaire et orbite basse, ndlr]», affirme Eutelsat. Si le projet est bien positionné pour intégrer le marché de la connectivité, estimé à 16 milliards de dollars à l’horizon 2030, dans cette guerre des étoiles, les Américains ont déjà une longueur d’avance. Plus de la moitié des 4 408 satellites de la constellation d’Elon Musk, Starlink, a déjà été déployée. Quant à Jeff Bezos, il compte installer 3 200 satellites pour sa constellation Kuiper.
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«L’union fait la force» : tel est le pari des deux entités européennes pour rivaliser avec les géants américains. Pour ça, les deux entreprises misent sur une fusion à parité par échanges d’actions. Eutelsat, acteur majeur de l’orbite géostationnaire, a pour principal actionnaire la banque publique d’investissement Bpifrance. Le capital de la société britannique OneWeb, spécialiste de l’Internet fourni depuis l’espace capital, est quant à lui réparti entre le géant indien Bharti Global (30 %), Eutelsat (23 %), le gouvernement britannique (17,6 %), le Japonais Softbank (17,6 %) et le Coréen Hanwha (8,8 %). La société est estimée à 3,4 milliards d’euros. Eutelsat l’est, elle, à 2,4 milliards.
Mettre fin aux «zones blanches»
En orbite basse, tout le monde veut sa place. La Chine dispose, elle aussi, de son propre projet de constellation composée de 13 000 satellites nommé «Guowang». A partir de 2024, l’Europe entend bien déployer sa propre constellation en orbite basse en déployant environ 250 satellites. Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, affirme que ce projet permettrait de mettre fin aux «zones blanches» en Europe. Grâce à ces nouveaux satellites, les Etats disposeront, par exemple, de nouvelles communications cryptées à l’aide de technologies quantiques. Reste à savoir si la prise de contrôle de OneWeb par Eutelsat saura répondre rapidement à la recherche d’autonomie du continent. Et pour l’heure, rien n’est joué.
La récente période a été mouvementée pour les deux entités. En février, le déploiement de la constellation OneWeb avait été mis à l’arrêt suite à l’interruption des vols de la fusée Soyouz, décrété par la Russie suite aux sanctions occidentales face à la guerre en Ukraine. La société britannique a même été en faillite pendant la pandémie, avant d’être reprise par le conglomérat indien Bharti et le gouvernement britannique. Quant à Eutelsat, l’opérateur a rejeté il y a quelques mois une offre de rachat par le milliardaire français Patrick Drahi, actionnaire majoritaire du groupe de médias Altice. Pas de quoi rassurer les marchés : lundi matin, à la Bourse de Paris, le titre Eutelsat plongeait de 17,7 % à 8,57 euros. Et ce mardi, la baisse se poursuit pour l’action du spécialiste de l’orbite géostationnaire qui cède encore -0,8 %. Mais malgré ces perturbations, Eutelsat regarde loin : «Nous ne savons pas à quoi ressemblera la future constellation européenne mais nous sommes impatients d’entamer le dialogue avec la Commission», se réjouit Eve Berneke, directrice générale d’Eutelsat.