De temps à autre, le juge semble s’amuser de la valse des chiffres. «Ah, ce sont des gens qui ont des sous», ironise-t-il, après que Delphine Doron, une avocate française interrogée ce jour de février 2021 dans une petite salle du palais de justice de Montréal, au Canada, avait évoqué la fortune d’une famille cliente. L’avocate ne se souvient plus s’il était question «de 40 ou de 50 millions d’euros». «Peut-être n’est-on pas à 10 millions près», sourit le magistrat, Bernard Synnott, derrière son panneau de plexiglas anti-Covid.
Peur de la gauche au pouvoir
Dans ce cube de verre et de béton qui surplombe le Saint-Laurent, dont la salle d’audience est accessible de partout dans le monde grâce au «miracle» de l’application Teams et de la modernité de la justice canadienne, l’ISF Gate révélé par Libération en décembre 2021 se retrouve au cœur d’un procès, mais pas pour que soit mise à nu l’éventuelle fraude fiscale d’immenses patrimoines français. La justice canadienne ne confisquera pas les milliards qui ont été placés loin des yeux du fisc par des chefs d’entreprise, des héritiers de grandes familles aristocrates ou des financiers dopés aux dividendes, qui avaient vu en 1981 avec horreur arriver la gauche et ses promesses de taxation patrimoniale. Dès l’année suivante, l’impôt sur les grandes fortunes était instauré par François Mitterrand et devenait le marqueur symbolique du nouveau pouvoir en place : plus de justice sociale, moins d’inégalités. Remplacé par la suite par l’ISF