La RATP est décidément une mine pour les futurs ou ex-Premiers ministres. L’actuelle patronne du gouvernement a dirigé l’opérateur de transports francilien de 2015 à 2017 et voilà que l’ex-chef de l’exécutif, Jean Castex, devrait en prendre la tête très prochainement. La Haute Autorité de transparence de la vie publique a validé sa candidature mardi soir, a-t-on appris via une indiscrétion du Figaro. Candidature dont il n’avait pas vraiment fait la publicité même si on l’a souvent vu prendre le métro en solo depuis qu’il n’est plus à Matignon. Selon la lettre spécialisée «Mobilettre», Jean Castex, qui lorgnait initialement la SNCF actuellement dirigée par Jean-Pierre Farandou, aurait rencontré «ce week-end» le président Emmanuel Macron qui lui aurait donné son feu vert pour la RATP.
Cette prochaine nomination de Jean Castex «est un peu une surprise», s’est étonné mercredi matin sur France Info Bertrand Dumont, cosecrétaire du syndicat Solidaires RATP. «Compte tenu du cursus du garçon, on ne l’attendait pas forcément ici», a ajouté le syndicaliste, circonspect. Jean Castex doit maintenant être auditionné par le Parlement avant que son nom ne soit proposé au conseil d’administration. «Ça me manque de diriger les gens, avait-il glissé à un élu local croisé récemment. Et je ne veux surtout pas me mêler de l’action du gouvernement. Que ce soit en bien ou en mal. J’ai été en poste, je sais ce que c’est.»
Le poste de patron de la RATP était libre depuis le 1er septembre après la démission surprise de Catherine Guillouard, qui dirigeait l’entreprise depuis cinq ans. Elle avait alors annoncé son départ pour raisons personnelles, en l’occurrence la santé de ses parents, dont elle souhaite s’occuper. Jean Castex, qui a maintes fois réaffirmé son intérêt pour le secteur des transports, va prendre les commandes à 57 ans d’une entreprise publique pas vraiment au mieux de sa forme. La RATP, 5,8 milliards de chiffre d’affaires et 69 000 salariés, a comme la plupart des transporteurs souffert de la crise sanitaire avec une baisse de sa fréquentation. Forte de 330 lignes de métro et de bus franciliennes qui transportent près de 10 millions de passagers par jour (avec la SNCF, chiffre Ile-de-France Mobilités), elle connaît actuellement de grandes difficultés pour maintenir un service complet sur l’ensemble de son réseau.
Ouverture prochaine à la concurrence
Les difficultés de recrutement plombent notamment son fonctionnement. «Il nous manque entre 500 et 1 000 conducteurs de bus», estime Laurence de Wilde, secrétaire générale adjointe de la fédération Unsa Transports et membre du conseil d’administration de la RATP. Cette pénurie touche au quotidien les transports dits «de surface». Or la régie parisienne tire l’essentiel de ses revenus du contrat de 4 milliards d’euros par an, passé avec Ile-de-France mobilités (IDFM), l’organisme qui gère les transports collectifs dans la région. Plutôt mécontent du service rendu actuellement, IDFM a décidé de retenir 100 millions d’euros de paiement au motif que «près de 25 % du service de bus ne serait pas assuré certains jours», selon une source interne à l’agence régionale. Jean Castex qui, durant l’été 2021, lors de la crise sanitaire, a négocié directement avec Valérie Pécresse une rallonge financière pour les transports franciliens, saura certainement le rappeler aux élus régionaux et tout particulièrement à sa présidente.
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Le nouveau boss va également devoir remobiliser une entreprise secouée par l’ouverture prochaine à la concurrence de son réseau de bus à compter du 1er janvier 2025. L’opération concerne plus de 300 lignes et 16 000 salariés. D’ores et déjà, des transporteurs tels que Transdev (filiale de la Caisse des dépôts et consignations) ou Keolis (filiale de la SNCF) ont manifesté leur intérêt. L’une des craintes des salariés de la RATP en cas de sélection d’un de ces concurrents réside dans leurs conditions de travail pour l’avenir. La loi prévoit, en effet, le transfert des équipes chez le nouvel opérateur qui serait choisi sur une portion du réseau anciennement exploité par la RATP. Le statut et les avantages acquis doivent également demeurer, même si l’employeur change. En revanche, certains accords d’entreprise signés entre la direction et les organisations représentatives peuvent être dénoncés au bout de quinze mois. Jean Castex devra rassurer sur ce front. A commencer par les puissants syndicats de la maison qui ne lui signeront aucun chèque en blanc.
Selon Bertrand Dumont de Solidaires RATP, il y a «des gros chantiers» pour assurer l’avenir de la Régie. Mais le syndicaliste n’attend pas de miracles de la part de l’ancien Premier ministre : «Que ce soit Elisabeth Borne, madame Guillouard ou monsieur Castex, malheureusement la politique de privatisation et de casse totale de l’entreprise publique de transports parisienne sera la même. Ça ne va pas changer grand-chose, peut-être un peu sur la forme et encore. En tout cas, sur le fond, à la virgule près, le projet sera le même», assurait-il ce mercredi matin sur France Info.