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La BCE baisse ses taux pour la première fois depuis 2019

La Banque centrale européenne (BCE) a commencé ce jeudi 6 juin à baisser ses taux d’intérêt, avant la Réserve fédérale américaine, de quoi faciliter les emprunts dans la zone euro. Les taux avaient atteint leur record historique en septembre, à 4 %.
Un homme marche dans une rue avec la Banque centrale européenne (BCE) en arrière-plan à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne, le 4 avril 2024. (Kirill Kudryavtsev/AFP)
publié le 6 juin 2024 à 14h31

L’Europe grille la politesse aux Amériques, comme annoncé. La Banque centrale européenne (BCE), établie à Francfort, a enclenché ce jeudi 6 juin la baisse de ses taux d’intérêt, de 4 % à 3,75 % pour son principal taux directeur. De quoi donner de l’air aux entreprises et ménages qui veulent emprunter, et doper la croissance. Cette baisse se fait pour la première fois de l’histoire avant que la Fed, la réserve fédérale américaine l’équivalent outre-Atlantique de la BCE ne fasse de même. Cette dernière va devoir patienter pour assouplir sa politique financière, car l’économie dynamique des Etats-Unis s’accompagne d’une inflation plus tenace.

Les taux sur les dépôts de la BCE étaient depuis septembre 2023 à leur plus haut historique, à 4 %, après un cycle de relèvement des taux sans précédent lancé en juillet 2022, accroissant les tensions sur le crédit immobilier et les prêts aux entreprises. La dernière baisse des taux directeurs remontait à presque cinq ans, en septembre 2019. L’institution se dit toutefois prudente pour la suite, tant la désinflation poursuit un chemin cahoteux dans la zone euro. Mais au sein du conseil des gouverneurs de la BCE, un consensus se dessinait depuis plusieurs semaines pour relâcher la bride monétaire.

Objectif : sortir de l’inflation

En effet, la hausse des prix à la consommation en zone euro a été divisée par plus de quatre depuis le record de 10,6 % sur un an atteint en octobre 2022, quand les tarifs de l’énergie flambaient à cause de la guerre en Ukraine et que les perturbations des chaînes mondiales d’approvisionnement liées à la pandémie de Covid-19 se faisaient toujours sentir. L’inflation est repartie à la hausse en mai affichant 2,6 %, après 2,4 % en avril et mars. Mais ce léger sursaut ne remet pas en question la tendance générale à la baisse, soulignent les experts.

Néanmoins, la BCE voit encore la hausse des prix à la consommation «rester supérieure à l’objectif» de 2 % pour 2025, et ce, «pendant une grande partie de l’année prochaine». En cause, les tensions sur les prix d’origine interne qui restent fortes, surtout dans les services, en raison d’une croissance élevée des salaires. L’institut a donc revu à la hausse ses prévisions d’inflation par rapport à celle de mars, voyant l’agrégat en moyenne à 2,5 % en 2024 et 2,2 % en 2025, enfin 1,9 % en 2026.

La BCE reste également attentive «aux éventuels effets de second tour des augmentations de salaires», vu l’accélération à la hausse des accords salariaux, à 4,7 % sur un an au premier trimestre 2024, explique Franck Dixmier, responsable chez le gestionnaire d’actifs financiers Allianz GI. Une hausse sensible des coûts salariaux pourrait se répercuter sur les prix de vente et donc alimenter l’inflation, à moins que les entreprises ne diminuent leurs marges.

Une baisse en pause jusqu’en septembre ?

Concernant la suite du nouveau cycle d’évolution des taux directeurs, elle est loin d’être écrite. Selon Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la banque allemande KfW, «il sera intéressant de voir ce qu’il adviendra des taux d’intérêt après l’été. Pour de nouvelles mesures d’assouplissement, la BCE voudra avant tout voir les données économiques». Le débat promet donc d’être animé sur le rythme de la baisse. Pour alimenter la discussion, la BCE disposera d’un nouveau jeu de projections économiques, et «voudra voir un relâchement de la forte pression qui persiste sur les prix dans les services», où la composante des salaires est forte, souligne Fritzi Köhler-Geib.

Des nuances au sein de la BCE entre les «colombes», partisans d’un cap monétaire souple, et les «faucons» adepte de l’orthodoxie monétaire, se sont déjà manifestées. Après juin, une deuxième baisse consécutive des taux en juillet est tout sauf acquise car «nous ne sommes pas sur pilote automatique», a prévenu le «faucon» Joachim Nagel, président de la Bundesbank, la banque centrale allemande.

Le gouverneur de la banque des Pays-Bas, Claas Knot, a fait une sortie remarquée fin mai en affirmant que les réunions de la BCE assorties de projections économiques constitueraient à ses yeux les moments «clés pour (les) décisions en matière de taux d’intérêt». Ces projections sont publiées tous les trimestres, les prochaines étant prévues en septembre et décembre. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a plaidé quant à lui pour «un maximum d’optionnalité», la BCE devant garder sa «liberté sur le timing et le rythme».

Mise à jour à 15h49 ajout de contexte.