Après huit baisses de son taux directeur en un an, la Banque centrale européenne (BCE) décide de lever le pied, ce jeudi 24 juillet, à l’occasion de sa conférence sur la politique monétaire dans la zone euro. Lors de sa dernière baisse de taux, le 5 juin, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, avait estimé «qu’au niveau actuel des taux d’intérêt», l’institution financière était arrivée «à la fin d’un cycle de politique monétaire».
L’institution de Francfort stabilise ainsi son taux directeur à 2 %, après une chute progressive de son taux de dépôt de 4 % à 2 % entre juin 2024 et juin 2025. Ce statu quo monétaire est principalement motivé par la maîtrise de l’inflation. Cette dernière est rentrée dans les clous avec un taux annuel dans la zone euro établi à 2 % en juin 2025 contre 2,5 % un an auparavant, d’après les données publiées par Eurostat. Christine Lagarde n’a pas manqué de souligner que «l’économie a, jusqu’à présent, globalement bien résisté dans un contexte mondial difficile» même si «l’environnement reste extrêmement incertain, en particulier en raison des tensions commerciales».
La baisse du taux directeur visait jusque-là à soutenir l’économie de la zone euro menacée par l’incertitude géopolitique et les tensions commerciales avec les Etats-Unis. Mi-juillet, Donald Trump a acté, faute d’accord commercial avec l’Union européenne d’ici au 1er août, 30 % de droits de douane supplémentaires sur l’ensemble des biens européens exportés aux Etats-Unis. Sur certains secteurs clés, cette surtaxe douanière porte, au nom de la «sécurité nationale», les droits de douane à 55 % pour les voitures et les produits pharmaceutiques, et à 80 % pour l’acier et l’aluminium. Mercredi 23 juillet, des diplomates cités par Bloomberg expliquaient malgré tout que les négociations s’orientaient vers une hausse limitée à 15 %.
Dans l’attente de voir les négociations aboutir entre l’UE et les Etats-Unis, la baisse du taux directeur permettait d’anticiper la détérioration des prévisions de croissance du PIB de la zone euro. Fin mai, la Commission a abaissé ces dernières à 1,1 % en 2025, contre 1,5 % dans ses projections de novembre. La présidente de la BCE souhaite une issue «rapide» aux incertitudes commerciales, l’institution monétaire se trouvant dans une «situation d’attente».
Envolée de l’euro
Autre incertitude, l’envolée de la devise européenne face au dollar que Christine Lagarde dit «surveiller» en raison de «son importance sur les prévisions d’inflation». Depuis le début de l’année 2025, la monnaie unique a progressé de près de 15 % par rapport à la devise américaine, le billet vert étant plombé par l’inconstance de la politique de l’administration Trump. C’est pourquoi le président américain juge les taux d’intérêt fixés par la Réserve fédérale américaine (Fed) trop élevés. En juin, elle a maintenu, pour la quatrième fois consécutive, ses taux dans une fourchette comprise entre 4,25 % et 4,5 %. Depuis plusieurs mois, Trump en vient à s’en prendre directement au dirigeant de la Fed, Jerome Powell, – qu’il a lui-même nommé en 2018 – au point de menacer de le limoger.
Cette appréciation de la monnaie fait perdre en compétitivité la zone euro pour ses exportations, mais, à l’inverse, fait baisser le coût des importations et permet ainsi de freiner l’inflation. «Dans l’ensemble, la BCE adopte donc clairement une posture attentiste. Une baisse en septembre [lors de la prochaine réunion] reste envisageable, mais le calendrier fait débat. Après huit baisses de taux en un an, les taux ne sont plus restrictifs, mais simplement «neutres» – aller plus loin nécessitera sans doute des signes plus nets de ralentissement», a commenté Madison Faller de J.P. Morgan Private Bank.
Mises à jour à 15h40 avec la confirmation du maintien du taux directeur puis les déclarations de Christine Lagarde et les réactions.