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La BCE ne baisse toujours pas ses taux, maintenus à leurs plus hauts historiques

Pour, dit-elle, lutter contre l’inflation, l’institution européenne a laissé son taux sur les dépôts à 4%. Aucun changement ne devrait intervenir avant juin.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, à Francfort, jeudi. (Kirill Kudryavtsev/AFP)
publié le 7 mars 2024 à 16h07
(mis à jour le 8 mars 2024 à 10h06)

Sans surprise, la Banque centrale européenne a prolongé ce jeudi 7 mars son cap monétaire restrictif, avançant prudemment malgré le recul de l’inflation et l’impatience grandissante de voir baisser ses taux d’intérêt toujours à un niveau record. Le taux sur les dépôts, qui fait référence, est maintenu à son plus haut historique de 4%, comme depuis octobre, a décidé l’institution à l’issue de la réunion du Conseil des gouverneurs. «Nous progressons bien vers notre objectif d’inflation» mais «nous ne sommes pas suffisamment confiants» quant au fait d’atteindre la cible à terme, a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors d’une conférence de presse ce jeudi.

Les marchés sont toujours à l’affût d’indices sur le calendrier des futurs assouplissements. Si le scénario d’une baisse des coûts d’emprunt courant d’année 2024 semble faire consensus parmi les gardiens de l’euro, la question est désormais de savoir quand et à quel rythme va s’enclencher ce nouveau cycle. Mais le communiqué du Conseil des gouverneurs ne donne pas la moindre indication sur ce point. Lors de la réunion de janvier, la présidente de la BCE avait déjà dit que la question des baisses de taux n’avait pas été abordée et qu’elle était «prématurée». Les marchés financiers tablent désormais sur juin, ce qu’a laissé entendre Christine Lagarde ce jeudi. Le lendemain matin, interrogé sur BFM Business, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a, pour sa part, estimé «très probable» que la première baisse interviendrait «au printemps», en rappelant que cette saison «va d’avril jusqu’au 21 juin.»

L’économie de la zone euro stagne

A priori, les données sur les prix vont dans la bonne direction : la BCE a abaissé ce jeudi sa prévision d’inflation pour 2024 en zone euro, la voyant reculer à 2,3% sous l’effet de l’impact plus faible des prix de l’énergie. L’institution s’attend désormais à ce qu’elle atteigne son objectif de 2% en 2025. La banque centrale veut en revanche s’assurer que cette tendance est durable. En France, les prix sont repartis à la hausse de 0,8% en rythme mensuel entre janvier et février. Scrutée par les marchés financiers et la BCE, l’inflation dite sous-jacente, c’est-à-dire sans les prix très volatils de l’énergie et de l’alimentation, a ralenti en février à 3,1%, contre 3,3% en janvier.

La BCE ne veut pas relâcher l’effort et risquer de compromettre les effets de sa campagne de resserrement monétaire sans précédent menée depuis juillet 2022 pour maîtriser la flambée des prix causée en partie par la guerre russe en Ukraine. En augmentant les coûts d’emprunt à un rythme inédit, la demande de crédits a été freinée, affectant la consommation et l’investissement des entreprises comme des ménages. Revers de cette politique : l’économie de la zone euro stagne depuis près d’un an et demi et des économistes jugent que l’institution pèche par excès de prudence, risquant de compromettre un rebond de l’activité. Depuis juillet 2022, la hausse des taux a coûté entre 5 et 10 milliards d’euros à l’Etat français. En 2024, l’ardoise pourrait même doubler.

Dans ces nouvelles projections macroéconomiques dévoilées ce jeudi, la BCE a ainsi abaissé sa prévision croissance du PIB pour la zone euro en 2024 à 0,6% contre 0,8% précédemment. Elle a maintenu sa prévision de croissance pour l’an prochain à 1,5% et l’a même légèrement relevée pour 2026 à 1,6% (contre 1,5% auparavant). De quoi conforter l’institution dans sa volonté de ne pas précipiter la baisse des taux.

«Forte croissance des salaires»

La banque centrale américaine (FED), qui se réunira les 19 et 20 mars, dégainera-t-elle la première ? Son président, Jerome Powell, s’est montré prudent mercredi jugeant prioritaire d’éviter un rebond de l’inflation, car la poursuite des progrès sur ce front «n’est pas assurée». Les inquiétudes portent principalement sur l’inflation dans les services de même que «les pressions sur les prix intérieurs» qui «restent fortes, en partie à cause de la forte croissance des salaires», comme souligné jeudi par la BCE.

Après trois ans durant lesquels les prix ont grimpé plus vite que les salaires, un rattrapage s’effectue au fil des négociations sociales dans les entreprises et branches professionnelles. Ces revendications sont particulièrement vives en Allemagne où une nouvelle grève paralyse jeudi les transports ferroviaires et aériens. Au point d’avoir contraint certains responsables de la BCE à participer à distance à la réunion de Francfort.

Mise à jour: à 10h04 le 8 mars avec l’ajout de la déclaration du gouverneur de la Banque de France.