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La BCE poursuit sa politique d’assouplissement monétaire et baisse son principal taux directeur

Sur fond de ralentissement de l’inflation dans la zone euro, l’institution financière a annoncé ce jeudi une nouvelle baisse de son taux sur les dépôts bancaires à 2%. Mais sa présidente, Christine Lagarde, évoque «la fin d’un cycle».
Le siège de la BCE, à Francfort, le 20 mai 2025. (Kirill Kudryavtsev/AFP)
publié le 5 juin 2025 à 14h22
(mis à jour le 5 juin 2025 à 16h10)

C’est la huitième baisse des taux directeurs pour la Banque centrale européenne en un an. L’institution monétaire établie à Francfort et dirigée par la Française Christine Lagarde a de nouveau annoncé ce jeudi 5 juin une révision à la baisse de son principal taux, celui sur les dépôts bancaires, qui passe de 2,25% à 2%. Une baisse «fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d’inflation».

Anticipée par les marchés et les économistes, cette nouvelle baisse intervient en effet deux jours après les bons chiffres de l’inflation du mois de mai dans la zone euro. Mardi, Eurostat a mesuré la hausse des prix à 1,9 % sur un an, soit son plus bas niveau depuis septembre 2024. C’est juste au-dessous de l’objectif de 2 % que se fixe la BCE à moyen terme. Ce jeudi, la banque centrale a revu à la baisse ses prévisions d’inflation pour 2025 (2 % plutôt que 2,3 %) et 2026 (1,6 % contre 1,9 %). Des projections qu’elle explique par la diminution des prix de l’énergie et l’appréciation de l’euro.

«L’inflation et l’économie européenne ralentissent, cela donne deux bonnes raisons à la BCE pour baisser les taux», analyse François Geerolf, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Car en baissant ainsi «le prix de l’argent», la Banque centrale européenne espère relancer les crédits que les banques traditionnelles accordent aux entreprises et aux ménages pour stimuler la croissance et réduire le chômage.

Cela veut-il dire que la Banque centrale européenne va désormais temporiser sur les baisses de taux ? Possible. Lors de sa conférence de presse de ce jeudi, Christine Lagarde a estimé qu’«au niveau actuel des taux d’intérêt», l’institution est arrivée «à la fin d’un cycle de politique monétaire».

Séquence brutale

Reste qu’il y a toujours débat sur les effets réels sur l’économie de telles manœuvres. Pour François Geerolf, «il ne faut pas surestimer les effets de la politique monétaire» car «la politique budgétaire des Etats a beaucoup plus d’impact». A ce titre, l’économiste n’est pas convaincu qu’il faille attribuer le tassement de l’inflation à la politique des taux de la BCE, mais plutôt à la baisse des prix de l’énergie. Il appelle à regarder les prochains signaux budgétaires venus d’une Allemagne à l’économie moribonde et ceux de la France, dont les objectifs de réduction des dépenses sont clairement affichés par le gouvernement.

En revanche, pour François Geerolf, le revirement de la BCE devrait avoir «des effets directs positifs sur les crédits immobiliers et sur le secteur de la construction», frappés de plein fouet par la hausse brutale des taux directeurs entre juillet 2022 (0,5 %) et septembre 2023 (4,5 %). A cet égard, il estime que la BCE a à l’époque «augmenté les difficultés de l’économie européenne [par ces hausses], au moment où le continent traversait une crise industrielle et une crise énergétique».

Cette séquence brutale de hausse de taux a par ailleurs grandement affecté les comptes publics des pays membres. Car ce changement de politique soudain a pesé sur les finances de la Banque centrale, qui a arrêté de verser des dividendes aux Etats actionnaires. Le manque à gagner s’élève à 4 milliards d’euros en moyenne par an pour l’Etat français. Et plus indirectement, la hausse des taux a largement poussé à la hausse les taux d’intérêt payés par les Etats sur leur dette publique.

Par ailleurs, la BCE mène dans le même temps une autre politique, appelée «resserrement quantitatif», qui annule en partie l’effet de détente de ses taux. Ce processus prend la forme d’une diminution drastique du volume des prêts accordés et des obligations détenues par l’institution. Comme le rappelait en février dernier Piero Cipollone, membre du directoire de la Banque centrale européenne, «pour la première fois dans l’histoire de la BCE», l’institution a «deux outils de politique monétaire qui travaillent dans des directions opposées». Car le resserrement quantitatif a pour effet d’assécher la liquidité disponible sur le marché et de pousser à la hausse le loyer de l’argent – le taux d’intérêt –, soit l’inverse des effets de la baisse du taux directeur.

Mise à jour à 16h10 avec une déclaration de Christine Lagarde.