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La hausse des taux d’intérêt de la BCE a coûté entre 5 et 10 milliards d’euros à l’Etat français

Depuis le début de la hausse des taux en juillet 2022 par la banque centrale, plusieurs milliards d’euros ont été versés pour les intérêts des nouveaux emprunts à court terme et à long terme contractés depuis cette date. En 2024, l’ardoise pourrait même doubler.
(Julien Guillot/Savinien de Rivet)
publié le 9 décembre 2023 à 9h53

Dans un contexte de forte montée de l’inflation, la Banque centrale européenne (BCE) a fait flamber depuis juillet 2022 ses taux directeurs, notamment son taux de référence, le taux de refinancement. En à peine quatorze mois, ce dernier est passé de 0 % à 4,5 %, un rythme de hausse jamais vu. Conséquence directe : le taux des emprunts courts (à moins de trois mois) contractés par l’Etat français s’est envolé. Cette hausse a entraîné un coût de 5 milliards d‘euros à l’Etat français, selon nos calculs. A titre de comparaison, entre 2015 et 2021, dans un contexte de taux négatifs, l’Etat français gagnait bon an mal an entre 300 millions et 1 milliard d’euros par ses emprunts à court terme.

A ces 5 milliards d’euros de coût d’intérêt pour les emprunts à court terme, on peut ajouter le coût des emprunts à moyen et long terme. Depuis le début de la hausse des taux, l’Etat a emprunté pour se refinancer environ 325 milliards d’euros sur les marchés à long et moyen terme, hors OATI ou OAT€I, des obligations qui ont des taux qui dépendent de l’inflation et non des taux de la BCE. Ces emprunts ont donné lieu à des versements d’intérêts d’un montant d’environ 5 milliards d’euros. A la différence des emprunts à court terme, les taux à long terme sont en théorie surtout déterminés par le marché. Mais en pratique, ils sont fortement influencés par les décisions et anticipations des fluctuations de taux opérés par la banque centrale ainsi que par la vente et le rachat de titres qu’elle réalise sur le marché.

La rapidité de la hausse des taux par la BCE critiquée par des économistes

La BCE a décidé d’augmenter ses taux pour juguler l’inflation, qui a fortement augmenté depuis fin 2021, en raison de la flambée des prix de l’énergie et des causes extérieures sur lesquelles elle ne pouvait avoir aucun impact direct. Une hausse des taux a donc pour but de créer un refroidissement économique : en rendant plus cher l’emprunt, elle diminue la consommation et l’investissement, ce qui a pour effet d’exercer une pression à la baisse sur la croissance et à la hausse sur le chômage, ce qui a été le cas dans la plupart des pays européens, notamment la France concernant l’emploi. La rapidité de la hausse des taux par l’institution, en revanche, est aujourd’hui critiquée par des économistes du fait de ses conséquences négatives sur l’économie.

L’inflation est malgré tout orientée à la baisse depuis février, sans qu’on puisse déterminer précisément ce qui est du ressort de la BCE : la plupart des prix se sont stabilisés au niveau mondial et cette baisse de l’inflation intervient dans les principales économies du monde. Les prix des matières premières et de l’énergie ont par exemple reflué, sans que la Banque centrale y soit pour grand-chose.

20 milliards d’euros aux finances françaises en 2024 ?

En 2024, la BCE prévoit pour l’instant de ne plus relever ses taux et de revendre massivement sur les marchés des titres de dette publique. Ce qui aurait pour effet de continuer à pousser à la hausse les taux d’intérêt. Avec un taux d’emprunt moyen de 4 % sur 2024, un volume similaire aux autres années des emprunts à court terme et 250 milliards d’emprunts à long moyen terme, hors emprunt indexé, nous avons calculé le surcoût, par rapport au taux d’emprunt en vigueur début 2022. Résultat : plus de 6 milliards d’intérêts pour les emprunts à court terme, ainsi que 9 milliards pour les emprunts à long et moyen terme contractés depuis le début de la hausse des taux et 5 milliards pour les futurs emprunts de 2024.

La séquence de hausse de taux par la banque centrale depuis août 2022 aura potentiellement un coût de 20 milliards d’euros les finances publiques françaises en 2024. Si les taux longs refluent à 2,5 %, du fait de la chute de l’inflation et du refroidissement économique, sans baisse de taux de la part de la BCE, la facture devrait rester élevée : de l’ordre de 18 milliards. Une forte partie de l‘évolution des finances publiques françaises reste donc entre les mains de l’institution européenne.