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Le coût de la dette publique remonte brutalement en France comme en Europe

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Les taux d’emprunts publics de la France ont augmenté de 0,57 point en un mois, hausse en grande partie imputable à la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
(Alice Clair)
publié le 14 janvier 2025 à 16h06

Mauvaise nouvelle pour le gouvernement et les finances publiques du pays : le coût d’emprunt de la dette française, qui s’élève aujourd’hui à plus de 3 230 milliards d’euros, a fortement augmenté depuis décembre. En un peu plus de 30 jours, le taux à 10 ans est passé de 2,88 à 3,45 %, soit une hausse de 0,57 point. Sur la même période, les autres grandes économies d’Europe (Allemagne, Italie, Espagne), ont vu leur taux évoluer à peu près au même rythme, légèrement plus vite pour l’Italie, légèrement moins vite pour l’Allemagne. Cette augmentation générale du coût de la dette a eu lieu alors même que la Banque central européenne (BCE) baissait légèrement, d’un quart de point, ses taux directeurs.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution. Tout d’abord, les incertitudes politiques venues des Etats-Unis depuis l’élection de Donald Trump et les risques d’effets pervers de ses futures mesures économiques protectionnistes sur les échanges avec l’Europe. Ensuite et surtout, la forte augmentation par la BCE de son rythme de réduction de titres de dettes publiques en sa possession. Ces titres sont, pour certains d’entre eux, au bilan de la BCE depuis 2014. Cette année-là, elle se lance dans des achats massifs de dette européenne pour écarter les menaces de déflation européenne et les risques d’éclatement de la zone euro. On appelle ce processus quantitative easing (ou «assouplissement quantitatif»). Le programme est massivement relancé en 2020, à l’occasion de la première vague de Covid, pour aider les pays européens dans leur politique de quoi qu’il en coûte.

En août 2022, tout achat net de dette par la BCE est stoppé, mais l’institution réinvestit systématiquement dans les titres de dettes arrivant à échéance pour stabiliser le volume en sa possession. A partir de février 2023, elle passe au stade suivant : elle ne réinvestit plus dans la totalité des titres arrivés à échéance. Plusieurs mesures sont prises pour augmenter le rythme de défausse par la BCE de titres en sa possession, jusqu’en décembre dernier, où plus rien n’est réinvesti. Résultat : chaque titre arrivé à échéance est remboursé par l’Etat émetteur, qui ne peut plus compter sur la BCE pour en racheter un nouveau. Les Etats doivent alors augmenter la rémunération et le taux d’intérêt pour faire venir de nouveaux souscripteurs. D’où une pression à la hausse sur les taux d’intérêt de la dette.

Cette hausse de taux s’explique aussi, dans le cas de la France, par l’effet dissolution et l’instabilité politique qu’elle a entraînée : depuis le 9 juin, le taux à 10 ans français a ainsi creusé l’écart avec le taux allemand et a augmenté de 0,40 point par rapport à ce dernier. Et le taux espagnol est passé sous le taux français. Résultat, jeudi 9 janvier, l’Agence France Trésor a levé 13 milliards d’euros à long terme sur les marchés, à des taux situés entre 3,40 % pour les titres à 10 ans et 3,93 % pour les titres à 30 ans.