Le dérapage des finances publiques a bien eu lieu, mais il a été un peu moins spectaculaire que prévu. Après 5,4 % en 2023 et 4,7 % en 2022, le déficit public pour l’année 2024 s’établit à 5,8 % du produit intérieur brut (PIB), a annoncé jeudi 27 mars l’Insee, en publiant les comptes nationaux des administrations publiques. «Jusque-là, on ne parlait que de prévisions, là, on a les comptes», a indiqué le directeur général de l’Insee, Jean-Luc Tavernier. Ces données constatées se révèlent un peu meilleures que les estimations des deux derniers gouvernements, qui le voyaient à 6,1 % du PIB puis à 6 %, chiffre inscrit dans la loi de finances pour 2025 promulguée en février.
Mais toujours très au-dessus des 4,4 % prévus dans la loi de finances 2024. Elles ne sont toutefois pas définitives et pourront faire l’objet de révisions en septembre, une fois connus certains éléments publiés plus tardivement, comme les comptes des hôpitaux. Quant à la dette publique, elle atteint 113 % du PIB à la fin de l’année dernière, soit 3 305,3 milliards d’euros, en hausse de 202,7 milliards sur l’année.
Dépenses publiques en hausse
Dans le détail, 2024 a été marquée par une progression des recettes publiques de 3,1 % «ce qui reste moins rapide que le PIB en valeur (+3,5 %) pour la deuxième année consécutive», précise l’Insee. Ceci explique une grande partie du dérapage des comptes. Le taux de prélèvements obligatoires a, lui, diminué de nouveau à 42,8 % du PIB, après 43,2 % en 2023 et 45 % en 2022. Les dépenses publiques sont en hausse de 3,9 % et représentent 57,1 % du PIB. Celles de l’Etat ont été contenues (+0,6 %), «freinées par la fin des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises face à la hausse des prix de l’énergie, mais soutenues par la hausse des rémunérations et l’accroissement de la charge des intérêts de la dette», souligne l’Insee.
Analyse
Celles des collectivités (administrations publiques locales) augmentent nettement, mais moins que l’année précédente (+4,4 % après +7 %). L’écart entre les prévisions et les données constatées tient d’ailleurs notamment à «une bonne nouvelle relative sur l’exécution» intervenue au second semestre, note Jean-Luc Tavernier, «le ralentissement des dépenses des collectivités locales très dynamiques jusqu’à l’été». Quant aux dépenses de la Sécu, elles sont en hausse de 5,5 %, en lien avec les revalorisations des prestations sociales, après l’inflation élevée de l’année précédente.
Inquiétudes pour l’année prochaine
Un déficit à 5,8 % au lieu de 6 % devrait un peu faciliter l’effort budgétaire à fournir cette année pendant laquelle le déficit doit être ramené, selon la loi de finances, à 5,4 % du PIB. Une cible qui, à l’inverse, est rendue plus difficile à atteindre pour la France, à cause de la succession de mauvaises nouvelles ces dernières semaines, en raison, entre autres, du grand désordre mondial depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Non seulement l’activité économique est affectée (les prévisions de croissance sont revues à la baisse), mais des dépenses supplémentaires sont à prévoir pour l’effort de défense. Plusieurs spécialistes des finances publiques, comme le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, le député Liot Charles de Courson, s’inquiètent déjà «que l’administration n’ait, à nouveau, péché par excès d’optimisme dans ses prévisions». La France fait l’objet, depuis l’été, d’une procédure pour déficit excessif déclenchée par la commission européenne.
Alors que Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement, a considéré mercredi que la préparation du budget de l’année prochaine était un «cauchemar», Eric Lombard, le ministre de l’Economie et des Finances, s’est gardé de fanfaronner après la publication des données de l’Insee. «Ce n’est pas une bonne nouvelle, c’est un déficit qui est trop élevé et c’est pourquoi nous devons réduire les déficits, a-t-il déclaré jeudi sur France Inter, tout en saluant «des dépenses très bien tenues par le gouvernement de Michel Barnier» et des recettes «un peu meilleures que prévu» en fin d’année. Une grande conférence des finances publiques se tiendra le 15 avril.
Mise à jour le 27 mars à 11h47 avec l’article de notre journaliste Anne-Sophie Lechevallier.