C’est le nouveau mantra des candidats à l’élection présidentielle, de droite comme de gauche : le retour au «made in France». Caricaturé et raillé quand Arnaud Montebourg s’affichait en marinière Armor Lux avec un mixeur Moulinex entre les mains, le sujet fait aujourd’hui consensus ou presque. Ce qui ne manque pas de sel : la France ayant consciencieusement perdu en trente ans, sous des présidents de droite comme de gauche, quelque 30 % de ses emplois industriels. La pandémie est passée par là, soulignant cet énorme ratage qui a failli nous priver de doliprane (entre autres) quand cet anti-douleur était devenu quasi vital.
Relocaliser coche beaucoup de cases
Alors, peut-on revenir en arrière ? Et surtout, est-ce une si bonne idée ? Oui, c’est une affaire de bon sens : la mondialisation a des limites quand ses effets pervers ne sont pas anticipés, quand elle sert uniquement à enrichir une poignée d’entreprises en quête du moindre coût (et de la moindre qualité). A Libé, nous n’avons pas cessé ces dernières années de raconter la litanie des plans sociaux hexagonaux décidés à la sauvage, sur un coin de table, au détriment de centaines de salariés passés par pertes et profits. Relocaliser, donc, coche beaucoup de cases, notamment sociale (cela crée des emplois) et environnementale (c’est du circuit court, nul besoin d’acheminer la marchandise par bateaux ou avions), ce qui n’est pas du luxe en ces temps de chasse aux gaz à effet de serre.
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Mais le made in France est aussi un sujet périlleux. Il peut vite dériver vers le nationalisme, un des grands dangers qui menace l’Europe. Et une réindustrialisation mal gérée pourrait être contre-productive en termes de gaz à effets de serre. Ne passons donc pas d’un extrême à l’autre : une politique industrielle ne se mène pas au doigt mouillé, elle mérite réflexion et anticipation. Par ailleurs, il ne faut pas oublier un acteur clé de ce changement stratégique, le consommateur, qui doit être prêt à payer davantage pour un produit fabriqué avec toutes les garanties sociales nécessaires.