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Entrepreneuriat

Le nombre d’entreprises en France a augmenté de 42 % en huit ans, boosté par l’essor du micro-entrepreneuriat

L’Insee note une forte augmentation du nombre d’entreprise entre 2014 et 2022. Le résultat d’une explosion du nombre de micro-entreprises, qui ont plus que doublé en moins d’une dizaine d’années, sous l’effet notamment des plateformes numériques.
Les plateformes de livraison de repas ou de VTC imposent à leurs travailleurs un statut de micro-entrepreneur. (Marie Rouge/Libération)
publié le 2 avril 2025 à 9h27

Créer sa micro-entreprise à la cote en France. L’Hexagone comptait 5,5 millions d’entreprises actives dans les secteurs de l’industrie, de la construction, du commerce et des services en 2022. Une hausse de 42 % sur la période 2014-2022, selon une étude de l’Insee publiée ce mardi 1er avril, qui «s’explique par des créations croissant plus vite que les cessations», écrit l’Institut national de la statistique. Ce dernier constate une hausse des créations d’entreprises de 69 % entre 2015 et 2021, dont 22 % rien qu’entre 2020 et 2021, tandis que le nombre de cessations économiques a de son côté augmenté de seulement 39 %.

Mais cette forte hausse tient en grande partie à l’explosion du nombre de micro-entrepreneurs dans le pays : + 148 %, autrement dit une multiplication par 2,5, entre 2014 et 2022, qui les a fait passer de 720 000 à 1 789 000. L’augmentation a été la plus forte à partir de 2018, avec un taux de croissance annuel d’environ 15 %. Si bien que ce régime représente un tiers de l’ensemble des entreprises, contre 19 % il y a onze ans. Le phénomène s’explique par l’explosion, ces dernières années, des plateformes de livraison de repas ou de VTC, qui imposent à leurs travailleurs un statut de micro-entrepreneur pour ne pas les salarier directement. Avec tout ce que cela peut impliquer d’effets délétères sur les conditions de travail, et donc la santé d’un grand nombre d’entre eux, soulignait récemment l’Agence de sécurité sanitaire (Anses).

La simplicité du micro-entrepreneuriat

La lecture des fédérations concernées est plus positive. Pour François Hurel, président de l’Union des autoentrepreneurs (UAE), cette explosion traduit «le changement de notre société avec l’aspiration d’indépendance, de responsabilité, de pouvoir gagner sa vie soi-même de la part de plus en plus Français qui rejettent le salariat pour s’épanouir». Selon lui, cet essor du micro-entrepreneuriat s’explique aussi par la simplicité du régime : «Ça marche pour une raison : c’est très simple. Vous vous inscrivez en quinze clics, vous vous radiez en trois clics, tout cela extrêmement rapidement et vous n’avez pas à tenir de comptabilité. C’est fondamental, parce que la simplicité, c’est la liberté.» Mais aussi, bien souvent, la précarité : en 2022, le revenu moyen des micro-entrepreneurs était de 670 euros par mois, «soit six fois moins que les non‑salariés classiques», relevait récemment l’Insee, en rappelant que «le micro‑entrepreneuriat correspond souvent à une activité d’appoint» puisque fin 2022, «31 % des micro‑entrepreneurs cumulaient une activité non-salariée avec une activité salariée».

Autre aspect qui rend le statut attractif : le paiement simplifié des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu. «Plus l’entrepreneur va minimiser ce risque avec un dispositif qu’il comprend, dans lequel il n’y a pas de charge minimale, pas d’impôt forfaitaire au démarrage, pas de démarches complexes avec avocat ou notaire, plus il va se lancer», souligne Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE).

Selon les données de l’Insee, les secteurs où le nombre d’entreprises augmente le plus sont ceux des transports et de l’entreposage. L’étude souligne également que près d’un quart des entreprises a son siège en Ile-de-France, région qui compte près de 18 % de la population française. C’est aussi ici que le nombre d’entreprises augmente le plus, comparé aux autres régions de l’Hexagone, avec une hausse de 47 % entre 2014 et 2022.

L‘abaissement du seuil de franchise de TVA au cœur des inquiétudes

Fin 2021, 46 % des sociétés ne possédaient aucun salarié et étaient donc composées du seul chef de l’entreprise, 43 % employaient un à neuf salariés et 10 % en ont dix ou plus. Une situation que François Hurel met en relation avec «la complexité administrative» pour embaucher. «Aujourd’hui, un micro-entrepreneur qui veut embaucher doit remplir 22 dossiers. C’est une montagne administrative qui n’a rien à voir avec la simplicité de son propre régime», estime-t-il.

Le régime spécifique est, selon les syndicats d’auto-entrepreneurs, mis en danger par certaines décisions du gouvernement. En particulier sur la question de l’abaissement du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros pour tous les entrepreneurs. Une mesure votée dans la loi de finances 2025 mais mise en suspens temporairement après la gronde des concernés. Selon Grégoire Leclercq, cela menacerait «un dispositif qui a fait ses preuves et qui a besoin de stabilité». Mais malgré l’annonce d’une «concertation» à ce sujet, Bercy continue de défendre la mesure. Le ministère a plaidé la «simplification» et, surtout, la lutte contre «les distorsions de concurrence entre professionnels qui exercent en franchise de TVA et ceux qui sont soumis à la TVA» – autrement dit, les TPE classiques. Les organisations qui les représentent dénoncent une concurrence déloyale et souhaitent se retrouver sur un pied d’égalité avec les micro-entreprises.