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Libération
Dans le rouge

Le «trou» de la Sécurité sociale devrait atteindre 23 milliards d’euros en 2025, selon la Cour des comptes

Dans une note publiée ce lundi, la juridiction chargée du contrôle des caisses publiques écrit s’attendre à une augmentation de 7,7 milliards d’euros du déficit de la Sécu cette année.

La Cour des comptes, à Paris, le 23 septembre. «Une telle situation n’est pas soutenable dans la durée», alerte l'institution. (Henrique Campos /Hans Lucas. AFP)
ParArthur Louis
Journaliste - Actu
Publié aujourd'hui à 11h49, mis à jour le 03/11/2025 à 15h12

Il se creuse encore. Dans une note publiée lundi 3 novembre, la Cour des comptes prévoit une augmentation de 7,7 milliards d’euros du déficit de la Sécurité sociale en 2025. Celui-ci devrait ainsi atteindre les 23 milliards d’euros. «Une telle situation n’est pas soutenable dans la durée», alerte l’institution dirigée par Pierre Moscovici (qui va la quitter en janvier 2026). «Elle oblige à définir une trajectoire crédible de retour vers l’équilibre, condition préalable à une reprise de dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale», ajoute la note alors que l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) doit débuter demain à l’Assemblée.

La Cour des comptes souligne que le PLFSS proposé par le gouvernement prévoit «un effort important […] pour réduire le déficit, qui devra être confirmé dans le texte qu’il revient au Parlement de voter». Mais la rue Cambon regrette que «le redressement envisagé [soit] cependant exposé à de fortes incertitudes» : la révélation de ces chiffres «intervient dans un contexte particulier, avec un dépôt tardif du PLFSS au Parlement» et des doutes «sur le devenir du texte au cours de la discussion parlementaire». Le texte a en effet été rejeté en commission, vendredi 31 octobre.

Un déficit doublé en deux ans

Les doutes des magistrats de la Cour des comptes sur la capacité du PLFSS 2026 à redresser la barre sont nourries par un phénomène devenu récurrent : «pour la troisième année consécutive», les prévisions de recette ont été trop optimistes en 2025. A tel point qu’en deux ans, le déficit «aura plus que doublé et se situe désormais, hors années exceptionnelles de la crise Covid, au niveau le plus élevé depuis 2012». Et cela alors que la France ne fait face à aucune récession ou crise sanitaire. Mais le ralentissement économique du pays contribue à l’«affaissement conjoncturel» des recettes, dans un contexte où les dépenses, elles, restent «structurellement dynamiques».

A tel point que «l’ensemble des branches» de la Sécurité sociales sont déficitaires, à l’exception de la branche familles, qui rassemble notamment les allocations familiales et les aides au logement. La branche maladie accroît son déficit de 3,4 milliards pour atteindre un total de 17,2 milliards d’euros, celui de la vieillesse se creuse d’1,3 milliards (5,8 milliards au total). Même les branches accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) et autonomie qui étaient excédentaires l’an passé tombent légèrement dans le rouge.

De bien faibles recettes et des dépenses «dynamiques»

Face à une croissance qui ne devrait atteindre que les 0,7 %, les cotisations sociales sont en berne et ne progressent que de 2,4 %, grâce notamment à des hausses de cotisations des collectivités locales, des coups de rabots dans certaines niches sociales et allègements de cotisations. Reste que ces rentrées dans les caisses de la Sécu ne suffisent pas pour compenser les dépenses en hausse de 3,7 % en 2025. La Cour des comptes voyant dans ce décalage une «perte de contrôle de la trajectoire des finances sociales».

Selon la Cour, ces augmentations des dépenses s’expliquent «par la dynamique des soins de ville, l’activité des établissements de santé, et un volume important de mesures nouvelles», les honoraires de certaines professions médicales ayant été revalorisés tandis que des places supplémentaires ont été créées dans les établissements médico-sociaux.

Un «fragile redressement» en 2026

Les dépenses de retraite ont elles aussi progressé «en raison du nombre de nouveaux pensionnés et de l’écart favorable entre le montant de leurs pensions et celui des pensions de ceux qui sont décédés». Seule réjouissance aux yeux de la rue Montpensier, la bonne forme de la branche famille, dont les raisons sont à chercher du côté de «l’accentuation de la baisse de la natalité [...], facteur de modération des prestations».

Dans leur note, en plus d’établir ce constat alarmant, la Cour des comptes se montre assez peu optimiste pour l’année à venir. En 2026, «la progression tendancielle des dépenses» devrait «mécaniquement» creuser le déficit des régimes de la Sécu de 5,7 milliards d’euros selon les magistrats. Pour contenir cette aggravation, le PLFSS 2026 prévoit un effort de 11 milliards d’euros qui ramènerait le déficit à 17,5 milliards d’euros. Mais comme le rappelle la note, encore faudra-t-il que le projet de budget demeure intact, alors qu’il vient d’être rejeté en commission, et que les prévisions du gouvernement soient réalistes. Problème : la Cour des comptes estime d’ores et déjà que celles-ci reposent sur un scénario économique «volontariste».

Mise à jour à 15h12