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Législatives : Michel-Edouard Leclerc craint une «perte d’influence» de la France et un pays ingouvernable

Le président du comité stratégique de Leclerc, l’un des très rares patrons à s’exprimer sur la situation politique, pronostique une Assemblée divisée «en trois tiers» et alerte sur les risques pour l’Ukraine.
Michel-Edouard Leclerc en 2019. (Jean-François Monier /AFP)
publié le 13 juin 2024 à 20h08

Il est rarissime que le patron d’une grande enseigne prenne position dans une élection, de peur de déplaire à une partie de ses clients. Et encore moins sur le pouvoir en place. Pourtant Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique du leader de la distribution E. Leclerc, a fait les deux : il s’est dit inquiet pour «l’influence» et «la crédibilité» de la France, après une dissolution qui selon lui risque de déboucher sur un pays ingouvernable. Avec la dissolution de l’Assemblée, «Macron a évité les commentaires sur sa défaite [aux européennes] en renversant l’échiquier», a ajouté auprès de l’AFP le porte-parole de la chaîne d’hypers discount, en marge d’une visite de la nouvelle exposition Henri Cartier-Bresson au Fonds Hélène et Edouard Leclerc pour la culture de Landerneau (Finistère).

«C’est une sorte de barrière levée à Poutine»

Le médiatique patron, qui dit se situer «entre social-démocrate et chrétien coupable», pronostique qu’il sortira des élections législatives une Assemblée divisée en «trois tiers» égaux. «Si on a un ou deux ans de non-gouvernabilité ou de mauvaise gouvernabilité, ça veut dire que l’Ukraine va se retrouver un peu plus seule, que Poutine va avoir des ailes, et que l’Europe va être fragilisée», a poursuivi Michel-Edouard Leclerc, qui préside le conseil d’administration de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

«Dans la sphère européenne, on perd notre part d’audience, notre crédibilité. C’est une sorte de barrière levée à Poutine, a-t-il ajouté. Ce qui me fait peur, ce n’est pas le rapport de force interne de la France, c’est qu’on est en train d’entrer dans une ère de turbulences pour l’Europe, entre l’arrivée éventuelle de Trump et la fragilisation sur le front Est.» «On vit une période qui n’est pas glorieuse», a-t-il ajouté, se disant «stupéfié», par «l’absence de fond» des responsables politiques.

«C‘était avant qu’il fallait se mobiliser»

Pour le patron breton, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella doit son succès à sa personnalité : «Un jeune homme de 28 ans, bien mis, qui bluffe un peu tout le monde. C’était une vraie plus-value.» Mais surtout, «il y a quelque chose d’inexplicable, d’incongru, d’indécent à ce que la plupart des hommes politiques ne se soient pas exprimés contre l’inflation. Ils le font maintenant en parlant de taxer les superprofits. Mais c’était avant qu’il fallait se mobiliser. Maintenant c’est trop tard», a déclaré celui qui se pose régulièrement en défenseur du pouvoir d’achat des Français.

«L’échec de la coalition au pouvoir, c’est de ne pas avoir senti cette demande populaire. Pourtant, on sortait des gilets jaunes, c’est incroyable !» s’est-il exclamé, pointant la «déconnexion des parlementaires» par rapport aux «demandes populaires».