La ruée vers l’or blanc se profile. Porté par le groupe Imerys à Echassières dans l’Allier, l’un des plus gros projets européens de mine de lithium a sans surprise rejoint la liste des «projets d’intérêt national majeur», selon un décret publié ce dimanche 7 juillet au Journal officiel. Alors que le grand débat public lancé autour du projet doit se conclure le 31 juillet, une telle inscription – permise par le gouvernement qui n’a jamais caché son soutien au chantier – pourrait être synonyme de procédures d’implantation accélérées.
Ce projet d’ouverture de la plus grande mine de lithium d’Europe à Echassières (Allier) s’inscrit dans la stratégie portée par le gouvernement de se défaire de sa dépendance aux importations du précieux métal, notamment en provenance de Chine, pour permettre aux Français de rouler à l’électrique made in France.
Depuis quelques années, le lithium est devenu un métal stratégique. Aujourd’hui, il est surtout utilisé pour fabriquer les batteries électriques plébiscitées dans le cadre de la décarbonation des transports. Aux yeux des industriels et du gouvernement, ce métal apparaît comme un élément clé de la transition énergétique, d’autant plus que les véhicules thermiques seront interdits à la vente dans l’Union européenne à partir de 2035.
Bon filon ?
Selon la société française Imerys, le projet dénommé Emili (pour «exploitation de mica lithinifère») vise à extraire et à produire dès 2028, le lithium nécessaire à la fabrication des batteries de plus de 700 000 véhicules pendant 25 ans. De quoi s’extraire d’un marché de l’or blanc qui est très loin d’être européanisé.
En 2022, le lithium minier venait à 47 % d’Australie - vendu en majorité à des sociétés de traitement chinoises -, 30 % du Chili et 15 % de Chine. En Europe, seul le Portugal produit un peu de lithium, à hauteur de 0,5 % de la production minière mondiale en 2022, selon les données de l’institut d’études géologiques américain USGS. En mai, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a dit craindre des «tensions» sur l’approvisionnement mondial en minerais et métaux indispensables à la transition énergétique. C’est pourquoi elle a encouragé une hausse des investissements miniers pour que la planète parvienne à limiter son réchauffement à 1,5 degré d’ici la fin du siècle.
Tribune
De la nécessité pour le gouvernement, comme pour Fabien Roussel, d’extraire ce précieux métal en France. Si Imerys estime que son projet, décrit comme «le plus important projet minier en métropole depuis plus d’un demi-siècle», générerait 500 emplois directs et 1 000 emplois indirects, les associations environnementales s’inquiètent.
La principale crainte concerne l’eau : l’extraction de l’or blanc à partir de la roche telle que prévue à Echassières est très consommatrice d’or bleu. «La pire des méthodes d’exploitation du lithium est la méthode minière, qui nécessite énormément d’eau alors que ce territoire de l’Allier est de plus en plus sujet à la sécheresse, pointait Antoine Gatet, le président de la fédération d’associations France nature environnement (FNE) à Libé en mars dernier. Et elle utilise beaucoup de produits chimiques et laisse quantité de déchets qu’il faudra gérer pendant des décennies.»
Accélérations et dérogations administratives
Annoncé en fanfare en octobre 2022, un débat public lancé en mars permettant de statuer sur les impacts environnementaux et socio-économiques du projet doit se conclure le 31 juillet, selon la Commission nationale du débat public (CNDP). Mais la nouvelle classification du projet pourrait changer les termes du débat.
Le statut de «projet d’intérêt national majeur», créé par la loi industrie verte d’octobre 2023, permet aux projets industriels d’importance pour la transition écologique ou la souveraineté nationale de bénéficier de mesures d’accélération ou de dérogation administratives.
Ce projet faisait partie d’une liste de 167 autres inscrits dans un arrêté en mai, «dont les caractéristiques sont bien définies et dont le calendrier est certain, précisait alors le gouvernement. Ces projets d’envergure, ainsi que le dispositif dans lequel ils s’inscrivent, permettent de concilier développement économique et territorial d’une part, et transition écologique d’autre part, en faveur d’un aménagement durable du pays». Et de citer le grand port de Dunkerque, l’EPR 2 de Penly (région Normandie) ou encore la gigafactory d’électrolyseurs de McPhy en Bourgogne-Franche-Comté. Et parmi ceux dont les décrets ont déjà été publiés, on trouve l’usine de recyclage moléculaire des plastiques d’Eastman à Saint-Jean-de-Folleville (Seine-Maritime) et des usines de production de panneaux photovoltaïques.