Le couperet est tombé ce mercredi. L’enseigne de prêt-à-porter Camaïeu a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lille. Cette décision va entraîner la suppression des 2 600 emplois de l’entreprise nordiste, deux ans après sa reprise par son actionnaire. «Le tribunal convertit le redressement en liquidation judiciaire», a affirmé son président, suscitant les larmes des salariés venus écouter le délibéré.
L’enseigne avait été placée en redressement judiciaire le 1er août. Un plan présenté devant le tribunal par l’actionnaire de l’entreprise, Hermione People and Brands (HPB), prévoyait de limiter la casse, en supprimant 500 emplois. L’actionnaire s’était également dit prêt ce mercredi, tout comme la région Hauts-de-France, à injecter plus d’argent pour éviter la liquidation, mais à condition que l’État apporte lui aussi son soutien financier.
Une avance de 48 millions d’euros refusée par l’Etat
L’actionnaire HPB avait indiqué lundi avoir demandé une avance de 48 millions d’euros à l’État. Bercy avait jugé que cette demande n’était pas «réaliste», l’État ne pouvant «en aucun cas se substituer aux actionnaires». Avec cette aide, l’actionnaire espérait gagner un peu de temps pour relancer son enseigne, chahutée par la crise sanitaire et une coûteuse cyberattaque. «L’heure est grave, elle nécessite la mobilisation de tous», avait insisté Wilhelm Hubner, président de HPB. Un total de 79,2 millions d’euros était nécessaire, selon HPB, sur les huit prochains mois pour assurer entre autres les achats de la saison automne hiver et préparer la collection de printemps.
Le plan prévoyait également une mise de fonds de 14 millions d’euros de la Financière immobilière bordelaise (FIB) de l’homme d’affaires Michel Ohayon - dont HPB est une filiale -, pour racheter le siège et l’entrepôt de Camaïeu à Roubaix. Ceux-ci auraient ensuite été «valorisés» et revendus pour un montant estimé entre 55 et 60 millions. HPB «est le seul» à pouvoir sauver l’enseigne, après le retrait de divers candidats à la reprise, dont le fonds américain Gordon Brothers, avait plaidé lundi Wilhelm Hubner.
Les salariés, eux, se sont réunis ce mercredi devant le tribunal de commerce, pour accueillir les représentants de l’actionnaire aux cris de «Honte à vous, fossoyeurs de Camaïeu». «Je ne vois pas comment une autre décision que la liquidation judiciaire peut être rendue», avait estimé avant l’audience l’avocate du CSE de l’entreprise, Justine Candat. A l’issue d’un CSE mardi, le syndicat UPAE et la CGT s’étaient dits «extrêmement réservés» sur la capacité de la direction à garantir le financement.
«Un signe de résignation inquiétant»
Selon Thierry Siwik, de la CGT, «deux éventuels investisseurs» avaient manifesté un intérêt pour un autre projet bâti par son syndicat, qui avait demandé, sans succès, «un délai supplémentaire au tribunal» pour explorer cette piste. «La liquidation judiciaire serait un scandale et un signe de résignation inquiétant», avait de son côté réagi, sur Twitter, le maire divers droite de Roubaix Guillaume Delbar. «Le destin de 2 600 familles est en jeu», avait-il souligné avant l’annonce du tribunal.
Selon l’actionnaire HPB, l’enseigne a basculé après un arrêt de la Cour de cassation imposant fin juin aux commerçants de régler les loyers impayés lors de la période Covid. Leur montant s’élève à 70 millions d’euros sur un total de 240 millions de dettes. En reprenant 511 des 634 magasins de la marque en France et quelque 2 600 salariés sur plus de 3 100, HPB s’était donné en 2020 deux ans pour remettre à l’équilibre l’enseigne, fondée en 1984.