«Conjoncturel.» Cet adjectif-là, Luc Charmasson, président du Comité stratégique de la filière bois, ne cesse de le répéter pour expliquer les difficultés du secteur, comme pour les exorciser. C’est d’abord la crise du Covid et ses confinements qui ont paralysé les chantiers pendant de longs mois, alors que le bois n’a jamais autant eu la cote. Et depuis janvier, c’est la pénurie et l’envolée du prix des matières premières qui mettent à mal la construction. La faute à la Chine mais surtout aux «Etats-Unis, dont l’économie a redémarré très vite», avance Charmasson. Les Américains, en désaccord commercial avec leur fournisseur traditionnel canadien, n’ont pas hésité à acquérir au prix fort des grumes européennes, poussant la Fédération nationale du bois à lancer une pétition contre les «exportations massives». Et si le président du Comité se veut optimiste, pariant sur une stabilisation du marché dans les mois à venir, la situation paraît toutefois complexe.
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La réalité, c’est que les problèmes sont antérieurs à la crise. Populaire dans la construction, jusqu’à débarquer sur les chantiers des JO 2024, il a été catapulté matériau d’avenir pour atteindre les objectifs bas carbone de l’accord sur le climat et il est vanté comme un vivier de l’industrie nationale avec ses près de 400 000 emplois directs.
Pourtant, la filière française est encore loin d’être prête à répondre à l’engouement suscité par le matériau, prisé sur les chantiers et par toutes les entreprises qui utilisent des dérivés du bois, comme les palettes ou les cartons. Selon les derniers chiffres, elle accusait un déficit commercial extérieur de 7,4 milliards d’euros en 2019. «Un nouveau record», admettait le ministère de l’Agriculture. Cette année-là, comme les précédentes, le pays importait plus de bois, notamment sous forme de produits transformés, qu’il n’en exportait.
C’est aussi le manque de coordination entre les forêts et les entreprises de transformation du bois qui a été souligné par la Cour des comptes. «La forêt demeure partiellement exploitée : seule la moitié de son accroissement annuel est récoltée, le volume de bois en forêt ayant augmenté de 45 % en trente ans», déclarait l’institution en 2020. En résumé, il faudrait encourager les exploitations forestières et les entreprises de transformation du bois, telles les scieries, à multiplier les contrats entre elles. Ce qui permettrait peut-être d’éviter les exportations hors de l’UE au détriment des sociétés françaises, même si on précise dans l’entourage du ministre de l’Agriculture que la régulation des échanges se joue surtout à l’échelle européenne. Difficile toutefois d’empêcher une entreprise de vendre ses produits à qui elle l’entend.
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Et même si le bois ne manque pas en France, la forêt se retrouve face à de nouveaux défis : la sécheresse et la prolifération des parasites, comme les scolytes qui grignotent les épicéas. C’est pourquoi les trois quarts des 200 millions d’euros initialement consacrés à la filière dans le plan de relance 2021-2022 sont revenus à la plantation de 50 millions d’arbres, le reste étant destiné à la modernisation du secteur, notamment des scieries. Cela correspond à la volonté de «booster» la filière réaffirmée par Jean Castex, fin juillet. Depuis Essarts-en-Bocage (Vendée), le Premier ministre a annoncé 100 millions d’euros supplémentaires pour la filière issus du même plan de relance.
«Ça devrait aller plus loin mais c’est un bon début», juge Nicole Valkyser Bergmann, organisatrice du Forum international construction bois. Pour elle, en plus de subventionner l’achat de nouvelles machines pour les scieries, il faut aussi concentrer les efforts sur les entreprises de deuxième transformation du bois (contreplaqué, pâte à papier, etc.) pour les remettre au niveau des entreprises allemandes et scandinaves, souvent à la pointe en termes d’innovation.