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Les bénéfices, premiers contributeurs de l’inflation en zone euro

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Selon une étude du Fonds monétaire international publiée le 26 juin et largement relayée par la Nupes, l’amélioration des marges des entreprises est responsable à 45 % de la hausse des prix depuis le début de l’année 2022, soit cinq points de plus que l’envolée des coûts liés aux importations.
publié le 28 juin 2023 à 7h05

Si c’est le Fonds monétaire international (FMI) qui le dit… Les bénéfices ont représenté 45 % de la hausse des prix dans la zone euro depuis le début de l’année 2022, premiers contributeurs de l’inflation. Dans un travail publié le 26 juin, trois économistes du FMI, Niels-Jakob Hansen, Frederik Toscani et Jing Zhou ont décomposé l’inflation de la zone euro depuis le début de l’année 2022 pour mieux en cerner ses moteurs.

En considérant les «coûts du travail», les coûts liés aux importations, les impôts et les bénéfices, ils montrent que les premiers représentent 25 % de cette hausse des prix, les deuxièmes 40 % tandis que les impôts ont un effet légèrement déflationniste. Rappelant que les salaires en termes réels ont baissé de 5 % en 2022, les auteurs notent : «Maintenant que les travailleurs demandent des augmentations de salaire afin de récupérer leur pouvoir d’achat perdu, les entreprises pourraient devoir accepter une plus petite part de bénéfices», afin que l’inflation atteigne l’objectif de 2 % fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour 2025. Ils constatent que «les entreprises européennes ont jusqu’à présent été davantage protégées que les travailleurs contre le choc négatif des coûts».

Spirale prix profits

Depuis plusieurs semaines, des responsables de la BCE s’inquiètent du rôle que jouent les bénéfices des entreprises dans l’inflation. Fin mars, l’un des membres du directoire, Fabio Panetta pointait dans un discours à Francfort certaines entreprises qui «avaient augmenté leurs marges au-delà de ce qui était nécessaire pour absorber la hausse des coûts» et évoquait les risques liés à une «spirale prix profits». Christine Lagarde, sa présidente, a constaté le 27 juin dans un discours à Sintra, au Portugal : «La première phase [du processus d’inflation, ndlr] a été le fait des entreprises, qui ont réagi à la hausse brutale des coûts de leurs intrants en défendant leurs marges et en répercutant ces hausses sur les consommateurs.» Elle a jugé que «l’intensité de cette réaction» avait été «inhabituelle» rappelant que «lors des précédents chocs sur les termes de l’échange dans la zone euro, les entreprises avaient eu tendance à absorber l’augmentation des coûts dans leurs marges bénéficiaires, car le ralentissement de la croissance rendait les consommateurs moins disposés à tolérer des hausses des prix».

L’étude du FMI a en tout cas largement été reprise par plusieurs élus de la Nupes. «Encore un petit effort et le FMI va demander à Bruno Le Maire et Emmanuel Macron de taxer les superprofits !», a commenté sur Twitter la députée européenne LFI Manon Aubry. Pour David Guiraud, député LFI de la 8e circonscription du Nord, «il est temps de rendre l’argent». «Si même le FMI confirme ce que nous disons depuis des mois… derrière quelle excuse le gouvernement va-t-il cacher son inaction à présent ?», a également interrogé Boris Vallaud, député PS des Landes. En anglais, le phénomène pour désigner les hausses élevées des profits pour les entreprises qui se retrouvent ainsi à alimenter l’inflation, a déjà un nom, la «greedflation». La «cupideflation», en français.