Coup de froid général sur les marchés. La Bourse de Tokyo est en chute libre ce lundi 5 août, ses indices passant même brièvement sous la barre des -7 % au matin, sur fond de vives inquiétudes quant à l’économie américaine et face à la remontée du yen. L’indice vedette Nikkei de la capitale nippone, qui avait déjà dévissé de 5,8 % vendredi, s’est même effondré de 12,4 % à 31 458,42 points, reculant de quelque 4 400 points sur la séance, au-delà de son précédent record qui remontait au krach d’octobre 1987. Il s’agit de la plus grosse dégringolade en points de son histoire. Les Bourses de Séoul et Taiwan connaissent, elles aussi, des dévissages vertigineux. L’indice Taiex de Taiwan est ainsi tombé de plus de 8 %, et le Kospi à Séoul a décroché de 9,6 % ce lundi. Les bourses chinoises ont, elles, reculé plus modérément.
«Il y a trop de feux à éteindre»
Les répercussions traversent le globe. A l’ouverture, la Bourse de Paris chutait de plus de 2% ce lundi matin avant de clôturer à -1,40%. L’indice vedette CAC 40 dévissait de 2,14% vers 10 heures, soit de 158,07 points à 7093,73 points après avoir fortement reculé de 1,61% vendredi, clôturant alors au plus bas depuis fin novembre. Outre-Atlantique, la Bourse de Wall Street chute aussi à l’ouverture, semblant céder à la panique dans le sillage de la débandade des marchés boursiers. L’indice Dow Jones a ainsi perdu presque 3%, le Nasdaq s’est effondré de 5,5% et le S&P 500 de 4%. Des fortes secousses ont également touché le dollar et l’euro, qui ont reculé de plus de 2% face au yen dans la foulée des turbulences sur les marchés asiatiques. Les Bourses de Londres et de Francfort terminent elles aussi la journée en forte baisse, respectivement de -2,04% et -1,82%.
Le bitcoin n’échappe pas à la pagaille générale : il sombre sous la barre des 50 000 dollars pour la première fois depuis février. Vers 15h30, la cryptomonnaie chutait de 13,49% à 51 161,50 dollars, peu après avoir plongé de plus de 16% et glissé jusqu’à 49 212,74 dollars, un plus bas en près de six mois. «Au plus fort de la journée, 300 milliards de dollars ont été effacés de la capitalisation du marché des cryptomonnaies», affirme Simon Peters, analyste chez eToro. «Alors que le bitcoin suit souvent son propre chemin, le scénario actuel l’aligne plus étroitement sur les dynamiques de marché traditionnelles», explique Stephen Innes, analyste chez SPI AM, une société de gestion de fortune, interrogé par l’AFP.
«Il y a tout simplement trop de feux à éteindre, ce qui fait d’une éventuelle reprise lundi une chimère – en particulier avec la résurgence des craintes de récession aux Etats-Unis et le spectre menaçant d’un atterrissage brutal qui refroidit les investisseurs mondiaux jusqu’à l’os», souligne également le spécialiste. «L’élément déclencheur ? Un rapport sur l’emploi américain qui a tellement manqué sa cible qu’il n’a pas seulement fait se décrocher des mâchoires, mais aussi les actions et les rendements obligataires» à Wall Street, ajoute-t-il. Les craintes d’une escalade des tensions au Moyen-Orient ont également ajouté à la volatilité des marchés, dans la foulée des menaces de l’Iran et de ses alliés contre Israël, accusé par le Hamas et le Hezbollah libanais de la mort mercredi 31 juillet du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Une «hausse inattendue des taux d’intérêt»
Avant même ces chiffres de l’emploi particulièrement inquiétants publiés vendredi aux Etats-Unis, la Bourse de Tokyo avait connu une journée noire, le Nikkei connaissant sa plus vertigineuse chute en points depuis 1987 et la deuxième plus forte de son histoire. Ce record a donc été battu aujourd’hui. Plusieurs facteurs ont joué, comme un rapport américain préoccupant sur l’activité manufacturière en juillet et une chute des valeurs technologiques à cause des doutes sur les perspectives de croissance du secteur.
«Cependant le déclencheur immédiat de cette aversion au risque semble être la hausse inattendue des taux d’intérêt» annoncée mercredi par la Banque du Japon, selon Dilin Wu, stratégiste chez Pepperstone. Et d’ajouter : «Cette décision a frappé le marché boursier japonais comme un coup de tonnerre.» Ce resserrement monétaire après des années de taux négatifs, conjugué à un ralentissement de l’activité économique américaine, a notamment précipité la remontée du yen, soutenue également par des interventions de la banque centrale japonaise sur le marché des changes. Ce mouvement de change est alors néfaste pour les entreprises japonaises exportatrices qui avaient bénéficié de la chute de la devise nippone.
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«Nous pensons qu’une grande partie des bénéfices liés aux taux de change pour les exportateurs et les multinationales fortement représentées dans l’indice Nikkei 225 est derrière nous», a souligné Amir Anvarzadeh dans une note de Asymmetric Advisors, société japonaise de conseil. En ce qui concerne les prochaines annonces de résultats, «les comparaisons seront probablement plus difficiles à partir du second semestre, car les bénéfices diminuent considérablement» en raison du renforcement du yen, a-t-il ajouté.
Les banques japonaises ont ainsi été particulièrement malmenées, Mitsubishi UFJ Financial Group s’affalant de 17,84 %, Sumitomo Mitsui Financial Group (SMFG) de 15,52 % et Mizuho de 19,71 %. L’action de Nintendo s’est aussi avachie de 16,52 %, après que le géant japonais du jeu vidéo a vu son bénéfice net chuter au premier trimestre, et ce alors que sa prochaine console n’est pas attendue avant plusieurs mois.
Mise à jour à 18 heures avec la clôture en baisses des Bourses de Paris, Londres, Francfort et le passage sous les 50 000 dollars du bitcoin.