Dans une heure, les dirigeants de centaines de grandes entreprises dans le monde auront amassé autant d‘argent que ce que les salariés auront gagné dans… une année. Ce fossé ne cesse de se creuser, la rémunération des PDG ayant augmenté de 50 % depuis 2019, soit 56 fois plus que les salaires des employés. Dans une analyse publiée à l’occasion du 1er Mai, journée internationale des travailleurs, l’ONG Oxfam a croisé les données de 1984 entreprises de 35 pays (hors Chine, dont un échantillon de 18 groupes en France), où la rémunération du PDG a excédé 1 million de dollars l’an dernier (en incluant primes et stock-options), selon les informations de la base S & P Capital IQ, avec les statistiques sur la moyenne des salaires réels dans ces pays à la même période fournies par l’Organisation internationale du travail.
«Ce phénomène est systémique»
La rémunération médiane des PDG au niveau mondial a ainsi atteint 4,3 millions de dollars (3,8 millions d‘euros) en 2024, quand, en 2019, elle était de 2,9 millions de dollars (corrigés de l’inflation). Cette hausse, souligne Oxfam, «dépasse largement l’augmentation des salaires moyens réels des employés qui a été d‘à peine 0,9 % durant la même période dans les pays où les données relatives aux rémunérations des PDG sont disponibles.» Une fracture dénoncée par Amitabh Behar, le directeur général d‘Oxfam International dans un communiqué : «Année après année, nous assistons au même spectacle grotesque : la rémunération des PDG explose tandis que le salaire des employé·es stagne quasiment. Il ne s’agit pas d‘une anomalie, ce phénomène est systémique.»
Les inégalités salariales entre hommes et femmes sont par ailleurs persistantes. Toujours sur ce même échantillon mondial, non seulement les femmes sont rares à diriger ces grandes entreprises – elles ne représentent que 5,7 % des PDG –, mais les salariées de ces pays sont payées en moyenne 16,7 % de moins que leurs collègues masculins en 2023.
Une différence de rémunération de 1 à 94 entre salariés et dirigeants du CAC 40
La France n’échappe pas à ces écarts grandissants. Il y a deux ans, Oxfam constatait déjà que sur 100 grandes entreprises françaises, les rémunérations des dirigeants étaient en moyenne 97 fois supérieures à celles de leurs salariés. Dans son étude annuelle sur le même sujet publiée en novembre, le cabinet Proxinvest a calculé que la différence entre les émoluments moyens des salariés des groupes du CAC 40 et ceux de leurs dirigeants n’avait quasiment jamais été aussi marquée qu’en 2023 (hormis en 2021). Ce «ratio d‘équité» a atteint 94, alors qu’il était de 74 en 2014. Sans que les actionnaires n’y trouvent grand-chose à redire.
Alors que la saison des assemblées générales (AG) bat son plein, celles pendant lesquelles les rémunérations toujours plus astronomiques des patrons sont contestées ne sont pas si fréquentes. Le 14 avril, les actionnaires de Stellantis étaient, par exemple, amenés à se prononcer sur le rapport du comité de rémunération qui leur a été soumis lors de l’AG du constructeur automobile en difficulté à Amsterdam. Ce texte contenait notamment la rémunération de Carlos Tavares, son ancien directeur général, au titre de 2024 (23,1 millions d‘euros), son bonus (10 millions) et son indemnité de départ (2 millions). Seulement un tiers d‘entre eux ont voté contre.