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Libération
Merci patrons

Les grandes entreprises françaises ont un «apport décisif» à l’économie du pays, selon elles-mêmes

L’association française des entreprises privées (Afep), groupe de lobbying des grands patrons, a présenté ce mercredi 24 septembre, un rapport mettant en avant leurs contributions l’an dernier, en termes de cotisations, salaires ou R&D.

Le 15 mars 2024 à Paris. (Eric Tschaen/REA)
ParArthur Louis
Journaliste - Actu
AFP
Publié le 24/09/2025 à 13h32

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Le lobby des grandes entreprises, cibles potentielles du prochain budget, a présenté ce mercredi 24 septembre les chiffres de leur contribution à l’économie française et leur «apport décisif» à celle-ci, selon sa présidente Patricia Barbizet. Dans la dixième édition de son enquête annuelle, l’Association française des entreprises privées (Afep), qui représente les 117 plus grandes entreprises françaises, montre que ses ont représenté l’an dernier 13 % du PIB marchand (les biens et services vendus et achetés), ont employé 2,1 millions de salariés en France, soit 12 % de l’emploi privé, et 8,1 millions en tout dans le monde.

Surtout, souligne l’Afep, elles ont versé 85,1 milliards d’euros de prélèvements obligatoires, soit 19 % du total versé par les entreprises. L’association s’attend à ce que ce total croisse encore de 10 % en 2025, en raison des hausses votées dans le budget de cette année (surtaxe d’impôt sur les sociétés, suppression d’allègements de charges…).

Les entreprises membres versent en France une masse salariale de 164 milliards d’euros, et l’Afep observe que la rémunération mensuelle moyenne, 3 339 euros nets, est supérieure de 22 % à la moyenne nationale. Elles annoncent aussi avoir distribué l’an dernier13,8 milliards d’euros d’épargne salariale en participation et intéressement, soit 32 % du total national, ou 3 648 euros par salarié et par an.

Ces entreprises réalisent aussi, selon l’enquête, 50 % de la recherche privée française, avec 20 milliards d’euros de dépenses en Recherche et développement, et 110 000 chercheurs. Au total, selon l’Afep, la valeur que ses entreprises produisent en France se répartit à 60 % pour les salariés, 20 % pour l’investissement, 15 % pour les prélèvements obligatoires et 5 % pour les actionnaires.

L’enquête «confirme l’apport décisif des grandes entreprises à l’économie française et à notre modèle social», loue Patricia Barbizet dans un communiqué. «L’ampleur de leur contribution aux finances publiques témoigne de leur rôle incontournable dans le modèle français», insiste-t-elle.

Les grands groupes largement épargnés par Bayrou

Avant que François Bayrou n’échoue à obtenir la confiance des députés, les grands patrons pouvaient se réjouir du projet de budget du centriste. L’ancien Premier ministre, qui n’avait eu de cesse de plaider pour un effort exceptionnel de redressement des comptes publics, avait pourtant épargné les grandes entreprises. Malgré la cure de rigueur de 44 milliards d’euros prévue par l’ex-locataire de Matignon, les grands groupes devaient échapper à une reconduction de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés mise en place par son prédécesseur, Michel Barnier. Le patron du MoDem leur avait même promis de ne pas toucher à l’une des niches les plus coûteuses pour l’Etat avec 7,74 milliards d’euros de manque à gagner, le crédit impôt recherche. Des cadeaux largement suffisants pour faire repartir un débat qui dure depuis maintenant des mois sur la contribution des entreprises à l’effort budgétaire du pays.

Chez les partisans d’une plus juste participation des ultra-riches et des grandes entreprises, un nom a été propulsé sur le devant de la scène : celui de Gabriel Zucman. L’économiste de 38 ans préconise une taxe, sous forme d’impôt plancher, qui consisterait à taxer à hauteur de 2 % par an les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, ce qui concerne environ 1 800 foyers fiscaux. Parmi eux, Bernard Arnault, PDG de LVMH, qui a récemment accusé Gabriel Zucman de mettre «au service de son idéologie […] une pseudo-compétence universitaire», le qualifiant de «militant d’extrême gauche». La proposition de l’économiste passé par la London School of Economics et l’université de Berkeley, désormais prof à l’École normale supérieure et à l’École d’économie de Paris, est pourtant défendue par sept prix Nobel.

221 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises

La charge n’a pas manqué de faire réagir suscitant l’indignation à gauche et de nombreux soutiens à droite et illustrant le caractère hautement inflammable du sujet ces derniers mois. La commission d’enquête sénatoriale sur les aides aux entreprises, lancée en janvier par l’élu communiste Fabien Gay, et présidée par son collègue Les Républicains Olivier Rietmann, avait d’ailleurs contribué à nourrir le débat.

Après des semaines de travail, et les auditions de 33 dirigeants de grandes entreprises, le rapport dont avait accouché la commission estimait à 211 milliards d’euros les aides publiques dont bénéficient les grands groupes. Les deux sénateurs avaient notamment préconisé de «rationaliser» le système en rendant obligatoire la réalisation d’une «étude d’impact préalable à la création de toute nouvelle aide publique aux entreprises d’un montant significatif». Mais aussi, entre autres, de «poursuivre la réflexion sur l’efficacité des allègements de cotisations sociales par secteurs d’activité».

C’est peu dire que Sébastien Lecornu aura lui aussi à réfléchir à l’efficacité de ces dispositifs s’il veut s’assurer que les socialistes ne censureront pas son gouvernement, dont la composition se fait toujours attendre. Pris en étau entre le président de la République, soucieux depuis son accession à l’Elysée de ménager les ultra-riches en supprimant notamment l’ISF, et les roses qui réclament toujours la mise en œuvre de la taxe Zucman, la tâche s’annonce périlleuse pour le nouveau Premier ministre.

C’est pourquoi ce dernier réfléchit à inclure dans le prochain budget un nouveau système de taxation des plus riches censé séduire le PS, sans froisser le patronat. Pas sûr que sa proposition apaise le débat, alors que l’intersyndicale n’exclut pas une nouvelle journée de mobilisation si ses revendications ne sont pas entendues et que le Medef annonce un «énorme meeting» à venir pour peser sur les choix budgétaires. Michel Picon, le président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) a toutefois pris ses distances avec l’organisation patronale ce mercredi : «Je ne suis pas favorable à la grande mobilisation des patrons que propose le Medef, c’est contre-productif», a-t-il déclaré. Un nouveau débat dans le débat.