L’argent ne semble vraiment pas faire le bonheur. Une enquête publiée ce mercredi 30 avril par des scientifiques de l’université d’Harvard et de Baylor aux Etats-Unis affirme que les Etats développés ne sont pas ceux dont les habitants se disent les plus «épanouis». Les auteurs s’inquiètent notamment des mauvais résultats enregistrés concernant la santé mentale des jeunes.
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont lancé une vaste enquête sur l’«épanouissement humain», en interrogeant plus de 200 000 personnes dans 22 pays répartis sur six continents, parmi lesquels la Tanzanie, les Philippines, le Brésil, l’Allemagne ou les Etats-Unis, mais pas la France. Pendant cinq ans, les participants ont répondu chaque année à une centaine de questions pour évaluer leur épanouissement dans les domaines de la santé, de la sécurité financière, des relations sociales. Mais aussi sur des aspects plus subjectifs comme leur personnalité, leur comportement en société ou le sentiment que leur vie a un sens et de la valeur.
L’Indonésie en haut du classement, le Japon dernier
Les résultats ont apporté quelques «grosses surprises», a souligné lors d’une conférence de presse un des cofondateurs du programme, Tyler VanderWeele, épidémiologiste et biostatisticien à Harvard. Parmi les 22 pays étudiés, c’est l’Indonésie qui obtient les meilleurs résultats, suivie d’Israël, des Philippines ou encore du Mexique. Le Japon est dernier et la Suède, généralement bien classée dans des études similaires comme le rapport annuel sur le bonheur de l’ONU, n’arrive pourtant qu’en milieu de tableau.
«Les pays les plus riches et les plus développés ont de meilleurs résultats sur des éléments comme la sécurité financière ou le niveau de satisfaction à l’égard de la vie», ce sur quoi se concentre le rapport de l’ONU, explique Tyler VanderWeele. Mais ils sont «moins bons» sur les aspects liés au sens donné à l’existence, aux relations sociales ou aux comportements altruistes, ajoute-t-il, relevant un «rapport négatif entre le PIB et le sens donné à l’existence».
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Si les comparaisons entre pays doivent être effectuées avec prudence, en raison par exemple des différences culturelles qui peuvent influencer les réponses, «ce schéma est particulièrement frappant». Il «soulève des questions importantes» sur la manière dont «nous menons les politiques de développement et économiques», estime Brendan Case, directeur de recherche du programme à Harvard.
«Il nous faut investir beaucoup plus dans le bien-être des jeunes»
Un autre enseignement de l’étude «préoccupant», est que «les plus jeunes» rapportent «le plus faible degré d’épanouissement», notamment en Australie, en Argentine, au Brésil, au Mexique, en Allemagne, en Suède, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, souligne selon Tyler VanderWeele. La plupart des travaux antérieurs sur le bien-être et l’âge suggéraient plutôt une courbe en forme de U, les individus les plus jeunes et les plus âgés se disant plus heureux que ceux d’âge moyen, typiquement «confrontés à l’éducation de jeunes enfants, à la prise en charge de parents âgés et à des défis professionnels».
«Mais cela est en train de changer», assure le cofondateur du programme, citant comme explications potentielles la «crise de la santé mentale» chez les jeunes, le rôle des réseaux sociaux, les moindres opportunités économiques ou la pandémie de Covid-19 qui les a «particulièrement affectés à un moment crucial pour la création de liens». «Si nous voulons véritablement promouvoir l’épanouissement au sein de la société, à travers les générations et dans la durée, il nous faut investir beaucoup plus profondément dans le bien-être des jeunes», estime-t-il.
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D’autres résultats confirment ceux d’études antérieures, comme le fait que les personnes mariées ou plus éduquées se disent généralement plus épanouies. Avec des exceptions notables, comme en Tanzanie ou en Inde où les célibataires sont plus heureux. Ou en Australie et à Hong-Kong où l’épanouissement décroît avec le niveau d’éducation.
Des variations que les scientifiques vont analyser avec des chercheurs «travaillant ou originaires» de chacun des pays étudiés, pour «comprendre les dynamiques spécifiques à chaque lieu» et apprendre de ces différences, souligne Tim Lomas, chercheur en psychologie à Harvard.