La crise politique ouverte par la dissolution le 9 juin a eu des conséquences sur l’activité économique. Si l’Insee garde sa prévision de croissance du produit intérieur brut inchangée pour 2024, à 1,1 % – la même que dans les derniers documents budgétaires de Bercy, les statisticiens ont relevé des perturbations sur les anticipations des entreprises cet été. Ces dernières ont été «secouées par les incertitudes politiques», écrivent-ils dans leur dernier point de conjoncture. Le climat des affaires s’est brusquement dégradé en juillet, tombant sous sa moyenne de long terme (la plupart des chefs d’entreprise avaient été interrogés avant le second tour des législatives, au moment où une victoire du RN était envisagée), avant de se redresser en partie en août. Autre observation, les «indicateurs conjoncturels signalent un été morose» avec, en juillet, un recul de la production dans l’industrie, qui voit s’ajouter des problèmes de demande à ceux d’offre. Des signes de ralentissement se multiplient quant aux investissements des entreprises dans les biens d’équipement ou les services informatiques, résultat du renchérissement du coût du crédit mais aussi de l’incertitude créée par la situation politique, les orientations que prendra le prochain budget restant inconnues.
C’est l’effet positif des Jeux olympiques qui a sauvé l’été, avec les droits de diffusion, les ventes des billets, la fréquentation accrue des transports ou les recettes touristiques qu’ils ont engendrés. Les JO contribuent à hauteur de 0,3 point à la croissance du troisième trimestre (estimée en hausse de 0,4 point par rapport au précédent) et 0,1 point à celle de l’année. La fin des JO devrait néanmoins produire un contrecoup sur l’activité du dernier trimestre (le PIB se contracterait de 0,1 % par rapport au troisième).
Les dépenses publiques, «la seule source de dynamisme de la demande intérieure»
Le maintien de la croissance s’explique surtout par le commerce extérieur et, dans une moindre mesure, par les dépenses publiques. Le premier compte pour 0,9 point du 1,1 % de croissance attendu cette année, largement alimenté par l’aéronautique et le naval, qui profitent cette année d’un effet de rattrapage, qui n’est pas épuisé. Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture à l’Insee, détaille : «Après la baisse des exportations au moment de la crise sanitaire, ce secteur n’a toujours pas rattrapé son niveau de 2019. Les industriels ont énormément de commandes, ils sont confrontés à un problème d’offre et n’ont pas de problème de demande. Au fur et à mesure, ils parviennent à livrer.» Quant aux dépenses publiques, elles sont «la seule source de dynamisme de la demande intérieure», avec notamment celles des collectivités locales, dont la progression pointée par Bercy la semaine dernière a été source de polémique entre le gouvernement démissionnaire et les élus locaux.
Le moteur traditionnel de la croissance française, la consommation, encore grippé, devrait finir par prendre le relais du commerce extérieur d’ici à la fin de l’année, d’autant que la désinflation se poursuit plus rapidement qu’anticipé. Après un mois d’août marqué par une progression des prix sous les 2 % sur un an, du jamais vu depuis trois ans, l’année se terminerait avec une inflation de 1,6 % en décembre sur un an. La progression des revenus des ménages depuis la fin 2023, facilitée par la revalorisation des prestations sociales sur l’inflation passée, devrait aussi se traduire dans les dépenses de consommation. Pour l’heure, ce n’est pas le cas. «Nous avons été surpris au printemps par la consommation alimentaire, remarque Dorian Roucher. L’inflation alimentaire est redescendue [+ 0,5 % sur un an en août après avoir été la principale contributrice à l’inflation jusqu’en septembre 2023, ndlr], mais les ménages ont encore en mémoire l’inflation importante qu’il y a eue sur les produits du quotidien. Progressivement, au fur et à mesure qu’ils se rendent compte que les prix n’augmentent plus, on s’attend à ce que la consommation reprenne.»
Le taux d’épargne atteint 17,9 %
Plutôt que de dépenser, les ménages préfèrent conserver leurs gains de pouvoir d’achat, qu’ils ont obtenus en fin de vague inflationniste. Leur taux d’épargne atteint 17,9 % au deuxième trimestre, plus de trois points au-dessus de son niveau de 2019. Cette prudence n’est pas une singularité française, elle est constatée dans les autres pays européens. Les ménages pourraient aussi se remettre à investir, dans l’immobilier notamment, à la faveur de la détente sur les taux d’intérêt, ce qui laisse penser que le point bas de la violente crise qui secoue le secteur depuis deux ans serait passé.