Retour de bâton. Coup sur coup, deux décisions de justice rendues mardi 18 juin remettent en question la décision gouvernementale d’interdire la présence d’entreprises israéliennes, mais aussi de leurs salariés, sur le salon du matériel de défense Eurosatory, l’un des plus importants de la planète dans sa spécialité.
Pour mieux comprendre cette passe d’armes judiciaire, il faut remonter au 31 mai. Ce jour-là, Emmanuel Macron décide que les 74 entreprises israéliennes inscrites sont persona non grata au salon Eurosatory. La raison invoquée est une opération militaire menée par Tsahal quelques jours plus tôt sur la zone de Rafah au sud de la bande de Gaza. Les organisateurs de l’événement mettent donc en application la décision de l’exécutif. De manière visiblement insuffisante pour quatre associations propalestiniennes, qui estiment que non seulement les stands mais aussi les salariés des entreprises israéliennes doivent être interdits de séjour. Une décision du tribunal judiciaire de Bobigny, vendredi 14 juin, vient confirmer ce non-accès à l’événement pour les personnes physiques.
La direction d’Eurosatory décide donc de désactiver les badges d’accès de 850 participants au salon, mais aussi de déposer un recours devant la cour d’appel de Paris car elle estime que cette interdiction faite aux personnes physiques va bien au-delà de la demande du gouvernement. «Israël n’est ni un ennemi, ni un Etat sous boycott», déclare alors le général Beaudoin, commissaire général du salon. Et dans un jugement rendu mardi dans la soirée, la cour d’appel estime que «le juge judiciaire n’est pas appelé à compléter une décision politique qui a la nature d’un acte de gouvernement en relation avec la conduite des relations internationales de la France». En clair, un tribunal n’avait pas à durcir une décision de l’exécutif. Conséquence directe : les 850 participants représentants des entreprises israéliennes devraient pouvoir avoir accès au salon dès ce mercredi.
Une forme de discrimination
Quelques heures avant la décision de la cour d’appel, le tribunal de commerce de Paris, saisi par la chambre de commerce franco-israélienne, est allé encore plus loin. Il considère que l’interdiction faite aux entreprises israéliennes d’avoir un stand sur le salon Eurosatory est une forme de discrimination : «En l’espèce, les mesures mises en ouvre par Coges (la société organisatrice du salon) à compter du 31 mai 2024 opèrent une distinction entre les personnes morales déclarées comme israéliennes, ainsi que leurs filiales et les autres personnes morales ayant formulé une demande de disposer d’un stand sur le salon. Il est incontestable que cette distinction est fondée sur l’appartenance de ces personnes morales à une nation. En conséquence, les mesures mises en œuvre par Coges à compter du 31 mai 2024 constituent une discrimination telle que définie à l’article 225-1 du code pénal», écrivent les juges, avant demander la suspension de cette interdiction.
Libération a cherché à joindre la direction du salon Eurosatory afin de savoir si ces décisions de justice allaient être mises en application. Celle-ci n’a pas souhaité répondre. Il semblerait en outre que le recours aux tribunaux ne soit pas terminé. Les entreprises israéliennes qui s’estiment commercialement lésées par cette interdiction pourraient dans les prochains jours demander la réparation financière du préjudice qu’elles considèrent avoir subi. Notamment en ne pouvant participer à Eurosatory, où se nouent de nombreux contacts commerciaux, alors qu’elles ont loué des stands et déplacé leurs équipes.