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Epargne

Livret A : les Français ont épargné de manière inédite au mois de juillet

Le livret A a enregistré une collecte en hausse au mois de juillet, selon les données publiées ce mercredi 21 août par la Caisse des dépôts. Une épargne record qui s’explique en partie par une défiance liée au contexte politique incertain.
(DENIS CHARLET/AFP)
publié le 22 août 2024 à 17h17

Juillet 2024 aura été singulier pour les Français. L’organisation des élections législatives d’abord, a largement occupé ce premier mois de l’été. Le contexte géopolitique mondial, avec la guerre toujours en cours au Moyen-Orient, a aussi fait partie du quotidien. Par ailleurs, en dépit de cette période de vacances estivales, les Français ne sont pas allés puiser dans leurs économies pour consommer. Au contraire : leur épargne a atteint un niveau record.

Selon les données publiées mercredi par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les livrets A ont gonflé de 1,57 milliard d’euros le mois dernier. Les fonds épargnés sont ainsi supérieurs à ceux du mois de juin 2024, dont la collecte avait atteint 1,23 milliard d’euros.

«Cette collecte de juillet est largement supérieure à la moyenne de ces dix dernières années pour le même mois, qui était d’un peu moins d’un milliard d’euros, explique à Libération l’économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Nous sommes toujours sur une période de forte épargne en faveur de livret A, période qui a commencé depuis le début de la crise sanitaire en 2020 et qui s’est poursuivie avec une succession de crises.» En raison du «contexte politique incertain» lié à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, l’économiste explique que la population française demeure en effet «inquiète».

Le livret A, une valeur refuge en période de crise

«Et quand il y a de l’inquiétude, et quand le niveau de confiance en l’avenir est faible, les Français mettent de l’argent de côté et sont réticents à puiser dans leur épargne pour augmenter leurs dépenses de consommation, c’est automatique», soutient le spécialiste de l’épargne. Le but : avoir de l’argent «disponible à n’importe quel moment» pour faire face à un problème. Et l’économiste d’ajouter : «Les ménages privilégient l’attentisme et la prudence, faisant du livret A une valeur refuge.» L’engouement pour ce livret, et donc l’épargne, se traduirait aussi selon Philippe Crevel dans une baisse continue de la consommation des ménages.

D’autres raisons sont également à mettre en lumière pour expliquer ce plébiscite, au-delà d’un contexte politique qui a entraîné un «attentisme et une prudence» des Français. La situation géopolitique au proche et Moyen-Orient jouerait elle aussi un rôle dans ce manque de confiance en l’avenir. Aussi, pour l’économiste, les Français n’auraient pas encore ressenti les effets de la désinflation, c’est-à-dire la réduction de l’inflation, et maintiendraient donc une marge d’épargne importante.

Enfin, Philippe Crevel pointe une tendance lourde, davantage d’ordre structurel que conjoncturel : le vieillissement de la population. «Plus une population est vieille, et plus elle a tendance à épargner par peur de la maladie, de la dépendance», explique-t-il. Les LDDS, produit d’épargne cousin du livret A au taux identique (3% net), ont eux aussi engrangé environ 730 millions d’euros au cours du mois de juillet.

Pour autant, tous les Français ne peuvent pas épargner de la même manière : plus de deux tiers de l’épargne est réalisée par les 20% des ménages les plus riches. Selon l’observatoire des inégalités, les 20% des Français qui ont les plus bas revenus parviennent, au mieux, à mettre 360 euros de côté chaque année. Les 20% les plus riches économiseraient eux 16 000 euros.