Juillet 2024 aura été singulier pour les Français. L’organisation des élections législatives d’abord, a largement occupé ce premier mois de l’été. Le contexte géopolitique mondial, avec la guerre toujours en cours au Moyen-Orient, a aussi fait partie du quotidien. Par ailleurs, en dépit de cette période de vacances estivales, les Français ne sont pas allés puiser dans leurs économies pour consommer. Au contraire : leur épargne a atteint un niveau record.
Selon les données publiées mercredi par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les livrets A ont gonflé de 1,57 milliard d’euros le mois dernier. Les fonds épargnés sont ainsi supérieurs à ceux du mois de juin 2024, dont la collecte avait atteint 1,23 milliard d’euros.
«Cette collecte de juillet est largement supérieure à la moyenne de ces dix dernières années pour le même mois, qui était d’un peu moins d’un milliard d’euros, explique à Libération l’économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Nous sommes toujours sur une période de forte épargne en faveur de livret A, période qui a commencé depuis le début de la crise sanitaire en 2020 et qui s’est poursuivie avec une succession de crises.» En raison du «contexte politique incertain» lié à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, l’économiste explique que la population française demeure en effet «inquiète».
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«Et quand il y a de l’inquiétude, et quand le niveau de confiance en l’avenir est faible, les Français mettent de l’argent de côté et sont réticents à puiser dans leur épargne pour augmenter leurs dépenses de consommation, c’est automatique», soutient le spécialiste de l’épargne. Le but : avoir de l’argent «disponible à n’importe quel moment» pour faire face à un problème. Et l’économiste d’ajouter : «Les ménages privilégient l’attentisme et la prudence, faisant du livret A une valeur refuge.» L’engouement pour ce livret, et donc l’épargne, se traduirait aussi selon Philippe Crevel dans une baisse continue de la consommation des ménages.
D’autres raisons sont également à mettre en lumière pour expliquer ce plébiscite, au-delà d’un contexte politique qui a entraîné un «attentisme et une prudence» des Français. La situation géopolitique au proche et Moyen-Orient jouerait elle aussi un rôle dans ce manque de confiance en l’avenir. Aussi, pour l’économiste, les Français n’auraient pas encore ressenti les effets de la désinflation, c’est-à-dire la réduction de l’inflation, et maintiendraient donc une marge d’épargne importante.
Enfin, Philippe Crevel pointe une tendance lourde, davantage d’ordre structurel que conjoncturel : le vieillissement de la population. «Plus une population est vieille, et plus elle a tendance à épargner par peur de la maladie, de la dépendance», explique-t-il. Les LDDS, produit d’épargne cousin du livret A au taux identique (3% net), ont eux aussi engrangé environ 730 millions d’euros au cours du mois de juillet.
Pour autant, tous les Français ne peuvent pas épargner de la même manière : plus de deux tiers de l’épargne est réalisée par les 20% des ménages les plus riches. Selon l’observatoire des inégalités, les 20% des Français qui ont les plus bas revenus parviennent, au mieux, à mettre 360 euros de côté chaque année. Les 20% les plus riches économiseraient eux 16 000 euros.