Menu
Libération
Perspectives

L’OCDE abaisse ses prévisions mondiales de croissance, Trump suspect numéro un

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) anticipe une croissance à 3,1 % du PIB mondial cette année, d’après ses prévisions revues ce lundi 17 mars, contre 3,3 % précédemment. Si l’organisation ne le cite jamais, le président américain et les guerres commerciales qu’il a déclenchées sont désignées en partie responsables.
Un conteneur déchargé d'un navire au port de Saint-Nazaire. (Jean-Paul Comparin/Naturimages)
publié le 17 mars 2025 à 11h35

Depuis son retour à la Maison blanche, avec ses déclarations à l’emporte-pièce sur la guerre commerciale et ses décrets pris tous azimuts pour augmenter les droits de douane, supprimer des milliers d’emplois dans les agences fédérales, et expulser les étrangers, Donald Trump réussit à déstabiliser l’ensemble de l’économie mondiale, à commencer par celle des Etats-Unis. Après Wall Street qui a signifié sa grande inquiétude pour la croissance américaine et ses doutes sur le retour d’un soi-disant âge d’or promu par le président républicain en faisant tanguer les marchés boursiers la semaine dernière, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a livré lundi 17 mars son rapport intermédiaire avec ses dernières prévisions de croissance. Ces dernières sont dégradées par rapport aux précédentes, datant de décembre.

Le recul est particulièrement marqué pour les Etats-Unis, l’OCDE anticipe désormais une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 2,2 % en 2025 et 1,6 % en 2026 (soit respectivement 0,2 et 0,5 points de moins qu’annoncé il y a trois mois). Il l’est encore plus pour leurs deux pays limitrophes, fortement affectés : la prévision pour cette année est abaissée de 1,3 point de PIB pour le Canada (à 0,7 %) et de 2,5 points pour le Mexique (à -1,3 %). En zone euro, la croissance devrait seulement être de 1 % cette année puis de 1,2 % l’an prochain. Pour la France, le PIB ne progresserait que de 0,8 % cette année et de 0,4 % pour l’Allemagne. La croissance économique de la Chine serait de 4,8 % en 2025 puis de 4,4 % en 2026. Quant au PIB mondial, il devrait ralentir, passant d’une hausse de 3,1 % cette année à une de 3 % en 2026.

«Accès de faiblesse»

En observant les données disponibles sur ces trois derniers mois, ces indicateurs à haute fréquence qui fournissent des signaux précoces des points d’inflexion des cycles économiques, l’organisation, qui regroupe 38 pays développés, diagnostique un «accès de faiblesse» : «Les enquêtes menées auprès des entreprises suggèrent un ralentissement dans plusieurs économies dynamiques ces derniers mois, notamment aux États-Unis et au Brésil, ainsi qu’au Mexique et au Canada.» Un phénomène qui concerne davantage les services que la production manufacturière, qui a montré dans la zone euro et aux Etats-Unis des signes de redressement. Comme l’a illustré vendredi la baisse de cet indicateur aux Etats-Unis, la confiance des consommateurs s’étiole dans plusieurs économies. «Elle demeure inférieure à son niveau moyen sur une longue période malgré la croissance soutenue des revenus réels observée dans de nombreuses économies», relève le rapport.

Des perspectives que l’OCDE attribue à deux facteurs directement liés à la politique trumpiste, même si elle ne nomme jamais le président américain dans son rapport : «la hausse des barrières commerciales dans plusieurs économies du G20» et «l’augmentation de l’incertitude sur la situation géopolitique et les politiques économiques, qui pèsent sur l’investissement et les dépenses des ménages.» Le très haut degré d’incertitude –une situation que les acteurs économiques abhorrent – a donné lieu à un chiffrage de la banque de France la semaine dernière, qui estime qu’elle fait perdre 0,1 point de croissance à la France (elle prévoit une progression du PIB de 0,7 % cette année). Et Luis de Guindos, le vice-président de la Banque centrale européenne, a considéré dimanche dans le Sunday Times que les offensives politiques de Trump engendraient encore plus d’incertitudes pour l’environnement économique mondial que pendant la pandémie de Covid il y cinq ans. C’est dire.

«Il faut s’attendre à moins de croissance»

Quant à la guerre commerciale que Trump a déclenchée, elle aura plusieurs effets. «Les nouveaux taux de droits douane bilatéraux augmenteront les recettes des États qui les imposent, mais ils pèseront à l’échelle mondiale sur l’activité, les revenus et les recettes fiscales ordinaires», explique l’OCDE, qui pointe aussi un renchérissement du coût des échanges notamment lorsque les marchandises franchissent plusieurs fois la frontière, comme c’est le cas sur le marché nord-américain. «Un accord permettant d’apaiser les tensions commerciales, voire de réduire les barrières existantes, serait bienvenu et contribuerait à renforcer la prévisibilité des politiques et à améliorer les perspectives de croissance», ose encore espérer l’OCDE. Alors que l’inflation était en passe de revenir à des niveaux plus habituels après près de trois ans de crise, elle serait ravivée par ce protectionnisme exacerbé. «Dans le cas d’une fragmentation plus poussée des échanges, l’inflation serait plus importante et il faut s’attendre à moins de croissance pour la plupart des pays», a souligné Alvaro Pereira, le chef économiste de l’OCDE, mentionnant particulièrement le Canada, les Etats-Unis, et le Mexique, «aux économies imbriquées».

La situation pourrait être plus grave encore. L’OCDE n’a intégré dans ses prévisions que certaines mesures de politique commerciale, celles concernant la Chine, avec la surtaxe de 20 % sur la plupart des produits importés aux Etats-Unis et celles, en vigueur depuis le 12 mars, passant à 25 % toutes les importations d’acier et d’aluminium à destination des Etats-Unis. Elle a aussi tenu compte de la mesure suspendue jusqu’au 2 avril (après avoir été appliquée seulement deux jours) augmentant de 25 points de pourcentage les droits de douane sur toutes les importations de marchandises venant du Canada et du Mexique ainsi que les ripostes envisagées par ces deux pays, qui appliqueraient des droits de douane équivalents sur les importations de marchandises en provenance des États-Unis. Mais elle n’a pas intégré les mesures à venir. A compter du 2 avril, s’appliquera le décret passé le 13 février pour un plan sur la réciprocité tarifaire que les Etats-Unis comptent infliger à l’ensemble de ses partenaires commerciaux. C’est notamment dans ce cadre qu’une grande partie des exportations européennes vers les Etats-Unis pourraient être soumises à des droits de douane plus élevés. Aux journalistes qui l’accompagnaient dans la nuit du dimanche à lundi à bord de l’Air Force One, Trump a déclaré : «Le 2 avril est un jour libérateur pour notre pays», ajoutant «des milliards de dollars sont déjà arrivés dans notre pays et il y en aura encore plus à partir du 2 avril». C’est loin d’être évident.