Cette page-là n’est pas près de se tourner. La période de forte inflation, commencée avec la forte reprise économique à la suite de la pandémie, puis prolongée et amplifiée par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, ne va pas se clore de sitôt. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’attend à un lent reflux : «L’inflation devrait se modérer progressivement en 2023 et 2024, mais rester supérieure aux objectifs des banques centrales jusqu’au second semestre de 2024 dans la plupart des pays.» Des cibles que la plupart des banques centrales, comme la Banque centrale européenne (BCE), ont fixées autour de 2 %. Dans les économies du G20, la hausse des prix passerait de 8,1 % en 2022 à 4,5 % en 2024, prévoit l’OCDE dans son rapport intermédiaire sur les perspectives économiques publié vendredi. «L’inflation, c’est le problème numéro un. Elle est beaucoup trop élevée, et cela risque de le rester pendant trop longtemps», estime Alvaro Pereira, le chef économiste de l’OCDE par intérim (sa prédécesseure, Laurence Boone, étant entrée au gouvernement d’Elisabeth Borne aux Affaires européennes). «La lutte contre l’inflation n’est pas terminée», a considéré Mathias Cormann, son secrétaire général.
Les plus pauvres, premiers concernés
Plusieurs éléments permettent d’entrevoir une accalmie, en particulier le recul des prix mondiaux de l’énergie, des produits alimentaires et des engrais, qui avaient atteint des sommets historiques l’an dernier. Pour le fléchissement des premiers, l’OCDE l’explique en partie par «l’impact de la douceur des températures hivernales en Europe, qui a contribué à préserver les stocks de gaz, ainsi qu’à la réduction de la consommation d’énergie observée dans de nombreux pays». Autre facteur explicatif : «l’effet des mesures prises contre les exportations d’énergie russes […] plus limité qu’on ne s’y attendait initialement, la Russie maintenant dans une large mesure le niveau de ses exportations en accroissant ses ventes sur d’autres marchés, quoique avec des décotes considérables». Les relèvements successifs des taux directeurs par les banques centrales, comme la BCE l’a encore fait jeudi – une politique de resserrement monétaire avec lesquelles elles ont presque toutes renoué – devraient aussi finir par produire leurs effets sur les prix.
Bis repetita
Mais le retour à la normale est encore lointain. Et les plus pauvres sont les premiers à en pâtir. Ainsi l’OCDE souligne-t-elle que «les prix de l’énergie et des produits alimentaires demeurent nettement supérieurs aux niveaux observés avant la pandémie, si bien que le budget de nombreux ménages à faible revenu reste sous tension». D’autant que, malgré des signes positifs concernant par exemple l’amélioration des récoltes mondiales du blé, les dérèglements climatiques et la poursuite de la guerre en Ukraine rendent la situation aléatoire. «La sécurité alimentaire et énergétique demeure également fragile, en particulier dans les économies émergentes et les pays à faible revenu ainsi que parmi les ménages modestes». Comme d’autres organisations internationales, l’OCDE appelle les Etats à davantage cibler les aides budgétaires vers «ceux qui en ont le plus besoin» : «un meilleur ciblage et une réduction opportune du niveau global des aides contribueraient à garantir la viabilité des finances publiques, à préserver les incitations à la réduction de la consommation d’énergie, et à contenir une relance de la demande en période d’inflation élevée».
«Amélioration progressive»
Au fil des mois, l’inflation se diffuse à d’autres postes, comme les services, qui subissent la répercussion de la hausse des coûts des transports et de l’énergie sur les prix finaux. Cette évolution incite les institutions à davantage observer le comportement de l’inflation sous-jacente, celle qui ne prend pas en compte les prix les plus volatils, comme ceux des produits pétroliers ou de certaines denrées alimentaires. Et celle-ci demeure élevée. Les prix moins élevés de l’énergie, ainsi que la réouverture de la Chine après les stricts confinements, conduisent néanmoins l’OCDE à prévoir une «amélioration progressive» de l’activité cette année et la suivante. Après une croissance mondiale de 3,2 % l’an dernier, elle table sur 2,6 % en 2023 et 2,9 % en 2024, soit une légère révision à la hausse par rapport aux précédentes estimations. Pour la zone euro, elle serait bien plus basse, de 0,8 % en 2023 et de 1,5 % en 2024. Et les risques sont nombreux sur la stabilité financière – comme l’ont montré les secousses des derniers jours –, les banques, le secteur immobilier, le surendettement dans les économies émergentes notamment… Une reprise mondiale que l’OCDE qualifie de «fragile».