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Libération
Données de l'Insee

«Portrait social de la France» : malgré l’inflation, les riches ne connaissent pas la crise

Le choc inflationniste n’a pas été le même pour tout le monde. Dans son étude, l’Insee montre que les 10 % les plus aisés ont vu les dépenses additionnelles liées à la hausse des prix plus que compensées par la hausse de leur niveau de vie.
Rapporté au niveau de vie, l’ampleur du choc est plus de deux fois plus forte pour les plus précaires, avec une perte de 7,4 % pour le premier décile, de 6,6 % pour le deuxième, quand, à l’autre bout de l’échelle, la perte est de 4,4 % pour le neuvième décile et de 3,6 % pour le dernier décile. (Riccardo Milani/Hans Lucas.AFP)
publié le 23 novembre 2023 à 17h00

Cette fois, c’est confirmé. L’inflation, qui a atteint des niveaux historiques ces derniers mois à cause de la reprise économique intense après la pandémie, puis de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, a davantage frappé les ménages les plus modestes. A l’occasion de la présentation de son portrait social, l’Insee calcule qu’en 2022, «à hypothèse de comportement de consommation inchangé, l’inflation représente en moyenne une perte de 1 320 euros annuels par personne». Les dépenses additionnelles liées à la hausse des prix, de 5,3 % en moyenne en 2022, sont logiquement plus élevées en valeur pour les ménages les plus aisés (780 euros pour les 10 % les plus pauvres contre 2 250 euros en moyenne pour les 10 % les plus riches). Mais rapporté au niveau de vie, l’ampleur du choc est plus de deux fois plus forte pour les plus précaires, avec une perte de 7,4 % pour le premier décile, de 6,6 % pour le deuxième, quand, à l’autre bout de l’échelle, la perte est de 4,4 % pour le neuvième décile et de 3,6 % pour le dernier décile.

Le choc inflationniste a également été d’intensité variable selon le lieu où les ménages vivent ou selon la manière dont ils se déplacent. Ainsi, ceux qui vivent en dehors des villes ou des agglomérations de plus de 2 000 habitants, avec un usage de la voiture plus fréquent, ont dû payer 280 euros en moyenne en plus sur l’année, plus du double des habitants de l’agglomération parisienne. Le même phénomène est observé par l’Insee sur les dépenses de chauffage et d’électricité avec, dans les zones rurales, une dépendance plus forte au fioul et autres combustibles liquides, dont les prix se sont appréciés de 66 %, ainsi qu’au gaz (+40 %).

Face à cette envolée historique des prix, les différentes mesures sociales et fiscales prises, conjuguées à la hausse des revenus, ont permis d’amortir une grande partie des pertes. Tous dispositifs confondus, exceptionnels comme pérennes, et en prenant en compte l’évolution des revenus (ceux de remplacement, d’activité ou de patrimoine), la hausse du niveau de vie en 2022 a compensé 90 % de la hausse des dépenses liées à l’inflation, calcule l’Insee.

Rôle des mesures socio-fiscales

Mais là encore, cette moyenne masque de nettes disparités. «Entre 80 % et 85 % des dépenses supplémentaires ont été couvertes pour les 30 % les plus modestes, par ailleurs les plus contraints financièrement», note l’Insee. Cela s’explique par le rôle majeur joué par les mesures socio-fiscales prises en 2022, comme celles exceptionnelles de soutien au pouvoir d’achat, comme le chèque énergie ou l’indemnité inflation, pour cette catégorie de la population. Elles ont permis d’absorber 40 % des pertes. L’indexation automatique du smic a aussi permis d’assurer une progression des revenus. Pour les classes moyennes, entre le quatrième et le septième décile, autour de 80 % des dépenses supplémentaire ont été compensées. Les mesures socio-fiscales ont eu une influence moindre, permettant d’absorber un quart des dépenses additionnelles pour le quatrième décile, 5 % de celles du cinquième décile.

Ce sont, comme souvent, les plus riches qui s’en sortent le mieux. «Les 10 % les plus aisés sont les seuls pour qui la hausse des niveaux de vie est plus forte que les dépenses additionnelles», constate Emilie Raynaud, responsable de la division des études sociales à l’Insee. Ceux-ci ont vu leur niveau de vie croître, à tel point que 110 % des dépenses supplémentaires liées à l’inflation ont été couvertes. Ils ont principalement profité d’augmentations significatives des salaires et de la hausse des revenus du patrimoine. Mais aussi, dans une moindre ampleur certes, d’une mesure fiscale en particulier. La suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale pour les 20 % les plus riches (celle des autres ménages avait été supprimée entre 2018 et 2020) a fait augmenter le niveau de vie du dernier décile de 280 euros en moyenne, celui de l’avant-dernier, de 160 euros.