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Ça mousse

Malgré plus d’un milliard d’euros de bénéfices, Heineken craint les effets de l’inflation

Grâce au printemps ensoleillé et à la reprise du marché sud-américain, le groupe industriel néerlandais a effacé les effets de la crise du Covid. Pourtant, le deuxième brasseur mondial redoute l’explosion des coûts de l’énergie comme des matières premières.
Une ligne de production Heineken à Jacarei, au Brésil, en juin 2018. (Paulo Whitaker/REUTERS)
publié le 2 août 2022 à 18h10

Les euros coulent de nouveau à flot pour Heineken. Selon les derniers résultats annoncés lundi, le groupe néerlandais a en effet laissé la crise derrière lui. Pour le seul premier semestre 2022, il a réalisé un bénéfice net de 1,33 milliard d’euros, soit une hausse de 40 % en un an, pour un chiffre d’affaires qui s’élève à 16,4 milliards d’euros (+37 % sur un an). Et ces chiffres découlent directement du nombre de litres passés par les gosiers des amateurs de bière industrielle : quelque 110 millions d’hectolitres issus des marques du groupe, ce qui représente une hausse de 7,6 % par rapport au premier semestre 2021 et même 4,2 % comparé à 2019, l’année à laquelle les entreprises préfèrent se référer afin de voir où elles situent au regard de l’impact qu’a pu avoir la crise.

Augmentation des tarifs

Ces bons résultats dans la première moitié de 2022, dus en partie au «beau temps» sur la fin du printemps et à la reprise en Amérique latine selon l’entreprise, sont meilleurs que ce que les analystes présageaient. Ils interviennent néanmoins dans une période inflationniste, portée par les hausses des prix de l’énergie et des matières premières, qui touchent particulièrement le monde de la bière craft et artisanale. Des évolutions qui ont obligé, explique le groupe, à augmenter les tarifs des bières en moyenne de 8,9 % sur la période.

L’avenir s’assombrit assure le groupe néerlandais. Déjà, pour faire face à la fermeture des bars pendant les confinements en 2020 ou les nombreuses annulations de festivals, il avait annoncé supprimer 8 000 de ses 85 000 employés. Depuis la situation s’est redressée. Mais, avec l’inflation, les consommateurs pourraient réduire leurs achats de bière. «Le niveau des prix que nous et d’autres imposons pourrait commencer à avoir un effet et c’est pourquoi nous sommes prudents», a expliqué le directeur général, Dolf van den Brink, lors d’un entretien téléphonique avec des analystes, cité par Bloomberg. Les risques de pénurie de gaz, «particulièrement en Europe», qui reste le plus gros marché du groupe, sont considérés par Heineken comme un problème potentiellement important.

Bloomberg confirme d’ailleurs que la hausse des prix de l’énergie pourrait freiner la reprise de Heineken l’an prochain et prévoit même une baisse du bénéfice d’exploitation, notamment parce que la brasserie industrielle répercuterait trop lentement les augmentations de ses coûts de production. L’impact de son retrait de Russie devrait aussi se faire sentir. Heineken voit donc 2022 comme une année plus compliquée que la précédente.

Développer une meilleure productivité

Les résultats et les prévisions du néerlandais Heineken correspondent d’ailleurs à ceux que le leader du marché, AB InBev, a déclarés la semaine dernière. Pour le groupe belge, qui a annoncé une augmentation possible de ses bénéfices de 4 % à 8 %, la hausse des coûts pourrait entraîner une baisse de ses profits l’an prochain. «Nous essayons de trouver un équilibre entre les attentes des consommateurs, les prix, nos coûts et l’environnement du marché», a assuré le PDG d’AB InBev, Michel Doukeris.

Le groupe Heineken reste et restera malgré tout l’un des plus puissants au monde. Avec 221,6 millions d’hectolitres écoulés en 2021, l’industriel néerlandais est le plus important du monde brassicole en Europe et le deuxième à l’échelle mondiale, derrière le Belge AB InBev (Leffe, Jupiler, Corona, Hoegaarden, Stella Artois…) et ses 467,4 millions d’hectolitres. Au-delà de sa marque historique, le Néerlandais a racheté au fil des années de nombreuses marques qui lui permettent de gonfler ses chiffres : Desperados, Affligem, Fischer, Lagunitas, Pelforth, Moretti… Une expansion qui l’a même amené à racheter l’excellente bière francilienne Gallia.

Et si les coûts de Heineken augmentent, pas question pour l’industriel de réduire ses marges. Il préfère axer sa stratégie sur une meilleure productivité, avec un plan qui doit lui permettre de réaliser 2 milliards d’euros d’économies structurelles d’ici à 2023, comparé à 2019. Le groupe est dans les temps : 1,7 milliard d’euros d’économies devraient déjà être réalisés à la fin de cette année, annonce ce dernier. La rigueur est de mise dans le monde de la mousse.