«Affront républicain», peut-on lire sur une pancarte brandie par un manifestant, ce samedi après-midi à Paris. Le résumé, en peu de mots, du ressenti prédominant au sein de la petite foule qui défile entre Bastille et Nation «contre le coup de force de Macron», à l’appel d’organisations étudiantes, relayé notamment par LFI.
«Il se fout de notre gueule, observe calmement Eléna, 46 ans. C’est vraiment énervant, ce mépris dont nos dirigeants ne se cachent même plus…» Assistante de direction à Paris, elle ne se sent «pas la plus à plaindre», dit-elle, mais pense à ses amis «qui ne peuvent pas faire trois repas par jour». Plus que la destitution d’Emmanuel Macron, cheval de bataille de LFI et l’un des mots d’ordre de la manif, c’est une réforme du système politique en profondeur qu’elle espère. «Il faut rendre le pouvoir au peuple, avec des référendums pour chaque sujet important», énonce celle qui se revendique du mouvement des Gilets jaunes.
Alors que l’appel à manifester portait sur plusieurs dizaines de villes un peu partout en France, les autorités s’attendaient à voir défiler 20 000 à 40 000 personnes dans la capitale pour dénoncer «un déni de démocratie» après des élections «volées». Mais cette deuxième journée de contestation depuis la rentrée, après celle du 7 septembre qui a vu défiler 26 000 manifestants selon le ministère de l’Intérieur (160 000 selon les insoumis) ne fait pas le plein, loin de là. Si l’indignation est largement partagée, les rangs sont assez clairsemés.
«La droite est au pouvoir et fera tout pour y rester…»
C’est la deuxième fois qu’Abigail, lycéenne de 18 ans, fait le déplacement depuis Chartres pour participer au rassemblement. «Je suis venue parce que je trouve absolument honteux que Macron ne respecte pas la démocratie ni le vote des Français, explique la jeune femme, pâtisserie dans une main, drapeau aux couleurs de La France insoumise dans l’autre. Il ne veut pas que le Nouveau Front populaire prenne le pouvoir parce que ça détruirait tout ce qu’il a mis en place pour les riches. La droite est au pouvoir et fera tout pour y rester…»
Témoignages
Comme elle, alors que la composition finalisée du gouvernement de Michel Barnier devait être annoncée dans la soirée, plusieurs jeunes du cortège se disent dégoûtés de la nomination de ministres «qui sont contre le mariage pour tous, qui sont racistes ou qui sont accusés de détournement de fonds».
«Barnier, fumier, on va te composter»
«Tout le monde a compris que la France a un problème en ce moment, et qu’il s’appelle Emmanuel Macron, harangue au micro, debout sur un char, la députée insoumise Mathilde Panot. Il nous fait honte à l’international – c’est d’ailleurs le premier président de la Ve République à avoir une procédure de destitution contre lui.» Une partie de l’assemblée l’applaudit.
Avant de passer la parole aux écologistes puis à son collègue Louis Boyard, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, le torse ceint de l’écharpe tricolore, en profite pour saluer «le peuple martiniquais en révolte contre la vie chère», avant d’exprimer son soutien plein et entier à Gisèle Pelicot «pour que la honte change de camp».
Ce qui dit beaucoup de cette marche, agrégat de causes très diverses : pour la Palestine, contre l’extrême droite, pour la régularisation des sans-papiers, contre des prix plus élevés en outre-mer que dans l’Hexagone, pour demander la liberté des prisonniers politiques en Tunisie, contre la précarité ou les inégalités entre les hommes et les femmes, etc.
«Macron piétine la démocratie, mais le peuple c’est nous et on restera unis» tente une militante d’Attac au mégaphone. Le slogan est repris, sans prendre totalement. Pour réveiller la foule, elle en essaie un autre : «Barnier, fumier, on va te composter». Celui qui marche le mieux, c’est encore le très simple «Macron démission, Macron destitution».
«Macron, la République, tu l’aimes, tu la respectes, ou tu la quittes ! Merci», grince un écriteau tenu à bout de bras par un manifestant. L’ambiance est calme, bon enfant. Les membres des diverses associations féministes, étudiantes et environnementales et partis de gauche présents font de leur mieux pour échapper à la résignation. Même si, sur le plan politique, «c’est vraiment la douche froide», pointe Jérémy, bibliothécaire de 35 ans. Et de résumer, amer : «Tu pars en vacances, il y a Thomas Jolly [et les JO de Paris] à la télé. Tu reviens, et c’est la Manif pour tous au gouvernement…»