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Mauvais plan

MaPrimeRénov : c’est pas le monogeste qui compte

Contrairement à ce que prône le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, l’approche par travaux isolés est moins efficace qu’une rénovation d’ampleur, et peut même avoir des effets néfastes.
«Même si cela paraît contre-intuitif, mieux vaut ne rien faire que de faire un monogeste», rappelle Vincent Legrand, gérant de l’institut Negawatt. (Pascal Aimar/Tendance Floue pour Libération)
publié le 5 avril 2024 à 5h50

«Mieux vaut une rénovation globale à un monogeste mais mieux vaut un monogeste plutôt que pas de rénovation du tout.» Cette phrase du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, pour justifier le retour massif des subventions pour des travaux uniques à partir du 15 mai, a fait bondir le gérant de l’institut Negawatt : «Même si cela paraît contre-intuitif, mieux vaut ne rien faire que de faire un monogeste, comme l’a démontré le rapport d’une agence d’Etat, l’Ademe [l’agence de la transition écologique, ndlr]», rappelle Vincent Legrand. Il fait référence à une publication de 2021 consacrée à la rénovation performante par étapes et qui fait consensus depuis. Elle montre que l’approche par travaux isolés ne permet guère d’améliorer l’efficacité énergétique et qu’il vaut mieux réaliser six postes de travaux, en une ou deux étapes. «Les rénovations partielles ne traitent pas simultanément les différents éléments de l’enveloppe, et par conséquent ne peuvent traiter ni la continuité de la migration de vapeur, ni celle de l’étanchéité à l’air, ni les ponts thermiques, au niveau des interfaces», souligne ainsi l’Ademe. France Stratégie, dans son rapport final d’évaluation du plan France Relance, constate pour sa part que «les gestes sont nettement moins efficaces isolés que pris au sein d’une rénovation performante multigestes, d’au moins 40 à 60 %».

Les effets peuvent même être délétères. «Dans une passoire, si vous passez d’une chaudière à gaz à une pompe à chaleur, vous diviserez votre consommation de chauffage par deux environ (au lieu de six dans un bâtiment bien isolé), explique Vincent Legrand. Mais comme l’électricité est deux fois plus chère que le gaz, votre facture ne baissera pas significativement. Plus de 10 000 euros de fonds publics auront été consommés, vous aurez toujours froid dans votre logement, votre facture de chauffage n’aura pas bougé. C’est une catastrophe d’un point de vue social.» Cette préoccupation a aussi été pointée par la directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), Valérie Mancret-Taylor, devant les députés : «Nous avons un enjeu qui est de parvenir à convaincre les ménages propriétaires de passoires [elles sont autour de 6 millions], qu’il vaut quand même mieux aller vers une rénovation d’ampleur qui va leur permettre de décarboner et de consommer moins.» Elle pointe aussi le montant de la facture électrique s’ils changent seulement d’énergie ainsi qu’«un sujet d’éthique aussi avec l’ensemble des professionnels qui gravitent autour de ces ménages». Pourtant, à partir du 15 mai, il n’y aura plus besoin de changer de mode de chauffage pour prétendre à MaPrimeRénov ni de faire un diagnostic de performance énergétique pour une rénovation par geste. Les propriétaires de passoires (classées F ou G) ne seront donc plus tenus d’effectuer une rénovation performante.