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Libération
Atomes crochus

Marché de l’électricité européen : les 27 pays de l’UE parviennent à un accord

Alors que le nucléaire était le point d’achoppement entre Paris et Berlin, le Conseil des ministres de l’énergie s’est félicité d’être parvenu ce mardi 17 octobre à un consensus, «inimaginable il y a seulement quelques années».
Au Luxembourg, Luxembourg City, en juin 2023. (Kevin Reitz/Hans Lucas. AFP)
publié le 17 octobre 2023 à 19h11

Cela faisait des semaines que les pays européens comme les acteurs de l’énergie ou de l’industrie attendaient la fumée blanche. Elle est arrivée ce mardi 17 octobre au soir. Les Vingt-Sept sont parvenus à un accord sur la réforme du marché européen de l’électricité, plombée par les divergences franco-allemandes sur le soutien au nucléaire. «Je suis fière de dire qu’aujourd’hui nous avons franchi une étape stratégique pour l’avenir de l’UE, s’est félicitée Teresa Ribera Rodríguez, ministre de la Transition écologique espagnole. Nous sommes parvenus à un accord qui aurait semblé inimaginable il y a seulement quelques années.»

A l’issue des négociations, le Conseil des ministres de l’énergie résume les objectifs fixés par les Vingt-Sept. Il vante une réforme qui «vise à rendre les prix de l’électricité moins dépendants de la volatilité des prix des combustibles fossiles, à protéger les consommateurs des flambées des prix, à accélérer le déploiement des énergies renouvelables et à améliorer la protection des consommateurs».

Un casus belli pour Paris

On revient de loin. Car le compromis restait incertain. Le président français, Emmanuel Macron, saluait la semaine dernière après une rencontre avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, la volonté des deux pays de conclure un accord «d’ici la fin du mois». Sauf qu’une nouvelle proposition de la présidence espagnole du Conseil des ministres de l’UE avait fait craindre le pire, car elle faisait complètement disparaître du texte la question controversée du dispositif de soutien aux centrales nucléaires existantes, un casus belli pour Paris.

«La proposition espagnole essaie de résoudre un problème majeur pour le marché intérieur en l’ignorant – ce qui ne le supprime pas», s’était agacé le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, qui avait entamé un bras de fer avec la France sur la question du nucléaire. «Il y a des interrogations sur le risque de distorsions de concurrence. J’en suis très étonnée : le coût du nucléaire historique est dans les mêmes eaux que le coût des installations renouvelables», éolien et photovoltaïque, avait fait valoir la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Avant d’insister : «Je ne voudrais pas que ce soit le prétexte d’une discrimination contre le nucléaire.»

«Une grande victoire française»

Paris et Berlin étaient en revanche d’accord sur un point : il fallait des prix contenus de l’électricité pour les usagers, mais aussi et surtout pour les industriels afin de lutter contre les concurrents chinois et américains, très aidés par leurs Etats. Plusieurs gros industriels avaient d’ailleurs annoncé ajourner, voire annuler des projets d’investissement pour aller s’installer sur des terres où les prix de l’énergie, notamment, sont moins élevés. L’accord des Vingt-Sept doit en plus permettre aux PME d’appliquer en temps de crise les tarifs réglementés, même en dessous des coûts.

Il s’agit aussi d’assurer davantage de prévisibilité aux investisseurs : tout soutien public à de nouveaux investissements dans la production d’électricité décarbonée se ferait via des «contrats pour la différence» (CFD) à prix garanti par l’Etat. Et la France voulait inclure le parc nucléaire existant dans ces CFD, ce qu’elle a obtenu. Dans ce mécanisme, si le cours du marché de gros est supérieur au prix fixé, le producteur d’électricité doit reverser les revenus supplémentaires engrangés par l’Etat, qui peut les redistribuer. Si le cours est en deçà, l’Etat lui verse une compensation. «Tout l’argent ainsi collecté est redistribué au consommateur, ce qui permet à ce dernier de payer son électricité au coût de production réel, et non au prix du marché», précise l’Elysée dans un brief ce mardi soir. Qui résume : «C’est une grande victoire française aujourd’hui car on a obtenu le droit de faire des CFD sur le nucléaire existant et cela nous permet de faire profiter aux consommateurs et aux industriels des coûts très compétitifs. On a atteint l’objectif que s’était fixé le président de la République de protéger les Français et les entreprises, de préserver le pouvoir d’achat et la compétitivité.» L’Elysée souligne que cet accord va également permettre de donner les moyens à EDF de financer ses projets dans le nucléaire, et notamment les six futurs réacteurs EPR annoncés par Emmanuel Macron.

«Prix de l’énergie beaucoup plus stables»

Un enthousiasme partagé dans les rangs de la majorité. «Bonne nouvelle en provenance du Conseil Energie : accord trouvé sur la réforme du marché de l’électricité ! s’est réjoui le député Renew Christophe Grudler. Je crois comprendre que le bon sens a fini pour l’emporter. Les Européens l’attendaient avec impatience.» «C’est fait ! s’enthousiasme de son côté Agnès Pannier-Runacher. Accord trouvé sur la réforme du marché européen de l’électricité entre les 27 Etats membres, après une journée d’ultimes discussions. Pour les consommateurs, pour un investissement massif dans les renouvelables et pour la préservation du nucléaire français.» «Grâce à cet accord, les consommateurs de toute l’UE pourront bénéficier de prix de l’énergie beaucoup plus stables, d’une moindre dépendance vis-à-vis des prix des combustibles fossiles et d’une meilleure protection contre les crises futures, précise Teresa Ribera Rodríguez. Nous accélérerons également le déploiement des énergies renouvelables, une source d’énergie moins chère et plus propre pour nos citoyens.»

Suspendus au compromis des deux puissances, certains pays ne cachaient pas leur agacement : «L’UE n’est pas limitée à la France et l’Allemagne», déplorait la ministre belge Tinne Van der Straeten. Selon le média spécialisé Euractiv, seule la Hongrie s’est finalement opposée au texte. Il poursuit désormais sa route vers le Parlement européen.