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Nommer les choses

Affaire Legrand-Cohen : CNews est «une chaîne d’extrême droite», assène la patronne de France Télévisions

Delphine Ernotte Cunci a pour la première fois qualifié clairement la chaîne d’info, dans un entretien au «Monde» ce jeudi 18 septembre. La dirigeante estime que la galaxie de Vincent Bolloré «veut la peau de l’audiovisuel public».

Delphine Ernotte Cunci à Paris le 21 juillet 2020. (Denis Allard/Libération)
Publié le 18/09/2025 à 8h40

Elle dit les termes. CNews est «une chaîne d’extrême droite», a accusé la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, dans une interview au Monde publiée ce jeudi 18 septembre, en plein conflit entre l’audiovisuel public et les médias de la galaxie Bolloré au sujet de l’affaire Legrand-Cohen. «Il faut admettre que CNews est un média d’opinion. Qu’ils assument d’être une chaîne d’extrême droite , a développé la dirigeante du groupe public, qui emploie pour la première fois ce qualificatif au sujet de la chaîne info, première de France en part d’audience.

Ce à quoi le présentateur star bolloréen Pascal Praud a vivement réagi : «Aujourd’hui dans les manifestations [de la journée de mobilisation intersyndicale], il y aura des journalistes de CNews sur le terrain. Elle leur met une cible sur le dos, elle les met en danger», a-t-il accusé au micro de Cnews.

Delphine Ernotte Cunci et son homologue de Radio France, Sibyle Veil, ont été entendues mercredi par l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, au sujet de l’affaire Legrand-Cohen. Les journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen sont accusés de connivence avec le PS après la diffusion début septembre, par le magazine conservateur L’Incorrect, d’une vidéo les montrant en pleine conversation avec deux responsables socialistes dans un restaurant parisien.

Cette affaire a provoqué un conflit inédit, à un an et demi de la présidentielle de 2027. D’un côté, les médias privés dans le giron du milliardaire d’extrême droite Vincent Bolloré, dont CNews et la radio Europe 1, accusent l’audiovisuel public de parti pris pour la gauche.

De l’autre, France Télévisions et Radio France contre-attaquent et en appellent à l’Arcom et aux pouvoirs publics. «La galaxie médiatique de Vincent Bolloré veut la peau de l’audiovisuel public, réclame sa privatisation, et l’exprime avec violence […]. A un moment, il faut dire stop», tonne Delphine Ernotte Cunci ce jeudi dans Le Monde. «Ce qui m’inquiète désormais, c’est qu’une partie du personnel politique prend pour argent comptant ce qui est affirmé, et repris sur les réseaux sociaux, sans vérifier ce qui s’est vraiment passé ; c’est ce qu’on appelle la post-vérité», poursuit-elle, en faisant le parallèle avec les Etats-Unis de Donald Trump.

«Impartialité»

Ce jeudi, l’autorité indépendance a publié un communiqué dans lequel elle déclare que «Dans un contexte de défiance à l’égard des institutions et des médias […], l’Arcom souhaite poursuivre et approfondir ses travaux visant à conforter l’impartialité de l’audiovisuel public et à en mesurer la perception par le public».

L’Arcom a pour cela «décidé de lancer un travail destiné à objectiver la portée concrète de l’exigence d’impartialité» de l’audiovisuel public, a-t-elle poursuivi, sans en préciser les modalités. Le régulateur va également mettre sur pieds «une étude indépendante - quantitative et qualitative - sur la perception et les attentes du public en la matière». Il compte y associer les comités d’éthiques de France Télévisions et Radio France.

Par ailleurs interrogée sur le fait de savoir si l’audiovisuel public était suffisamment soutenu par l’Etat et les politiques, Delphine Ernotte Cunci s’est contentée de répondre : «Je pose la question». «Si ce soutien consiste à garantir l’indépendance de l’audiovisuel public, donc un financement pérenne, alors on ne l’a pas», a-t-elle développé, dans un contexte de fortes restrictions budgétaires et de réforme poussée par la ministre de la Culture Rachida Dati.

Delphine Ernotte Cunci a ainsi affirmé qu’elle n’était plus favorable au projet de rapprochement des entreprises de l’audiovisuel public sous une holding commune, porté par Rachida Dati. «J’ai toujours défendu l’union, mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les conditions ont changé. L’urgence est de donner des garanties sur notre indépendance», a expliqué la patronne de France Télévisions pour justifier ce revirement. Reste à savoir quelle sera la priorité du futur gouvernement de Sébastien Lecornu.

Mise à jour : à 9 h 39, avec l’ajout de la déclaration de Pascal Praud.