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Audiovisuel public : les députés votent la fusion en commission, première étape vers un big bang en 2026

Radio France, la grève et après ?dossier
Les députés ont approuvé mardi 14 mai au soir le principe de cette vaste réforme pour réunir notamment France Télévisions et Radio France. Le texte devrait passer en première lecture dans l’hémicycle la semaine prochaine. Les syndicats appellent à faire grève.
La ministre de la Culture, Rachida Dati, à l'Assemblée mardi 14 mai. (Telmo Pinto/Nur.AFP)
publié le 15 mai 2024 à 9h34

Le projet du gouvernement accélère. En commission, les députés ont adopté mardi 14 mai dans la soirée la fusion de l’audiovisuel public en 2026. L’amendement clé a été adopté par 30 voix pour, 18 contre, celles de la gauche et du MoDem. L’allié de la majorité présidentielle a appelé à ne pas aller «trop loin trop vite». Les députés de la commission des Affaires culturelles ont cependant exclu France Médias Monde (FMM) de la future holding, lors d’un vote serré. «FMM ne répond pas du tout aux mêmes objectifs et aux mêmes enjeux», a fait valoir Martine Froger, du groupe Liot. Les parlementaires pourraient revenir ultérieurement sur cette disposition.

Déjà adopté en première lecture au Sénat en juin 2023, le texte doit désormais passer en première lecture dans l’hémicycle de l’Assemblée national les 23 et 24 mai. Sauf embouteillage législatif qui la repousserait au 24 juin, voire à septembre.

Pour garantir une adoption, la ministre de la Culture Rachida Dati, issue des Républicains (LR), a repris à son compte le texte adopté par les sénateurs, à majorité de droite. Porté par Laurent Lafon de l’Union centriste, il prévoit la création d’une simple holding nommée France Médias. Mardi 14 mai, le député LR Maxime Minot a manifesté «le soutien» de son groupe au projet et à «son ambition». Le groupe RN y est également favorable.

La gauche, elle, est vent debout contre la réforme. C’est «l’aboutissement du dénigrement et de l’affaiblissement» du service public à l’œuvre depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, a estimé l’insoumise Ségolène Amiot. Le gouvernement avance «à l’aveugle», avec une politique «au doigt mouillé», a lancé pour sa part le socialiste Iñaki Echaniz. «C’est pas le retour de l’ORTF qui va nous permettre de concurrencer Netflix», a renchéri l’écologiste Sophie Taillé-Polian.

«Le sujet est mûr», selon Dati

Après une «phase intermédiaire» sous un régime de holding en 2025, «la finalité» de cette réforme est «l’entreprise unique», rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI, France 24) et l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) au 1er janvier 2026, a rappelé Rachida Dati. «Le sujet est mûr», a plaidé la ministre. D’après elle, l’audiovisuel public dispose de «forces indéniables» mais aujourd’hui «dispersées», ce qui l’expose à un «risque d’affaiblissement» face à la concurrence des plateformes internationales comme Netflix. La société géante aurait un budget de quatre milliards d’euros et la réforme concernerait 16 000 salariés.

Pour rassurer sur le plan financier, le député Renaissance Quentin Bataillon a préparé avec Jean-Jacques Gaultier (LR) un texte actant un fléchage pérenne depuis le budget de l’Etat au profit de l’audiovisuel public – «prélèvement sur recettes» –, sur le modèle du financement des collectivités. Depuis la suppression de la redevance à l’audiovisuel public en 2022, le secteur est financé par une fraction de TVA, selon un mécanisme provisoire.

Le sujet sensible de la publicité a aussi animé les échanges en commission. Un amendement gouvernemental projetant de déplafonner les recettes publicitaires de l’audiovisuel public a été adopté. Mais le sujet doit être retravaillé, se sont engagés les parlementaires. Les acteurs privés de l’audiovisuel sont farouchement opposés à ce déplafonnement et les députés LR en font un point dur. «C’est une course à l’audience, et la logique commerciale n’est pas celle du service public», a prévenu le républicain Jean-Jacques Gaultier.

A la vitesse de l’éclair

Opposés au projet, les syndicats de Radio France ont déjà appelé à la grève pour les deux journées des 23 et 24 mai, où le texte devrait être débattu à l’Assemblée. Ils ont été rejoint ce mercredi par les syndicats de France Télévisions, qui exigent dans leur préavis «le retrait de tout projet de holding et/ou de fusion concernant les sociétés de l’audiovisuel public». «Au moment où l’audiovisuel public joue pleinement son rôle face à des médias privés contrôlés par une poignée de milliardaires, pourquoi l’engager dans une fusion qui s’annonce longue, complexe, anxiogène pour les salariés, et sans réel objectif éditorial ?», s’interrogent-ils.

Sujet récurrent depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, cette réforme d’ampleur a pris corps à la vitesse de l’éclair ces derniers mois. Dès sa prise de fonction en janvier, la ministre avait dit vouloir «rassembler les forces» de l’audiovisuel public en allant plus loin que les rapprochements en cours entre France Télévisions et Radio France.

Dès 2017, le chef de l’Etat avait prôné un rapprochement en dressant un constat sévère sur l’audiovisuel public. Franck Riester, prédécesseur de Rachida Dati, avait porté en 2019 un projet de holding stoppé par la pandémie de Covid-19.

La ministre assure qu’il faut mener à bien cette réforme au plus vite, avant la fin du mandat de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, en 2025. Selon un acteur du secteur, il s’agirait aussi d’une stratégie de Rachida Dati pour avoir «un bilan» à la Culture avant de briguer la mairie de Paris en 2026.

Mise à jour : à 13h03, avec l’ajout du préavis de grève des syndicats de France Télévisions.