Echapper à Vincent Bolloré, mais à quel prix ? Depuis plusieurs mois, les journalistes du Parisien s’inquiètent d’une éventuelle reprise de leur titre par le milliardaire d’extrême droite. Outre l’appétit de ce dernier pour continuer à garnir son groupe réactionnaire, la menace était alimentée par la situation économique difficile du quotidien détenu par LVMH de Bernard Arnault, dont le déficit s’élevait en 2024 à 34 millions d’euros.
Ce danger semble désormais écarté à court terme. Selon une information publiée par le site spécialisé La Lettre vendredi 31 octobre, le groupe LVMH a validé ces derniers jours un versement de 140 millions d’euros au capital social de l’entreprise. Il s’agit de l’opération de recapitalisation la plus importante depuis le rachat du Parisien par la firme de Bernard Arnault en 2015. En 2018, l’actionnaire avait déjà réinjecté 83 millions d’euros en 2018, histoire d’éponger les pertes et de permettre des investissements supplémentaires, puis à nouveau 65 millions d’euros en 2022.
Enquête
Pas de Vincent Bolloré dans un horizon immédiat, donc, mais la pilule est amère pour les salariés du quotidien octogénaire, car les fonds apportés par Bernard Arnault s’accompagnent d’un plan de «restructuration» - c’est-à-dire de réduction des dépenses - annoncé par LVMH le 15 octobre et présenté comme la seule alternative à une cession du journal au magnat breton, déjà propriétaire de CNews, d’Europe 1 ou encore du Journal du Dimanche.
Le projet doit être détaillé aux salariés du Parisien dans les prochaines semaines par Pierre Louette, PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, et Anne-Violette Revel de Lambert, directrice générale par intérim du journal. Parmi les pistes d’économie envisagées figurent, selon La Lettre, la suppression d’éditions locales du journal en région parisienne - déjà mises au régime sec depuis plusieurs années - et une révision de l’accord sur les RTT et les congés payés.
«Habiller la mariée»
Côté syndical, la nouvelle de la recapitalisation a été accueillie avec prudence, d’autant plus qu’elle n’a toujours pas été confirmée publiquement par l’actionnaire. «Pour Bernard Arnault, recapitaliser était une obligation légale [en raison de l’ampleur des pertes subies par le groupe, ndlr]. Faute de cela, la société aurait pu être soumise à un risque de dissolution», prévient auprès de Libération Aymeric Renou, le délégué du Syndicat national des journalistes (SNJ). Mais selon lui, «cela ne veut pas dire que la perspective d’une cession disparaît : il est possible aussi que LVMH habille la mariée pour mieux la vendre».
Fin septembre, les salariés avaient voté à une large majorité en faveur d’une grève, renouvelée quelques jours plus tard et motivée par les rumeurs d’une reprise par Vincent Bolloré mais aussi par le non-remplacement en CDI de 17 journalistes partis dans le cadre d’une première «restructuration». Une réunion plénière entre la direction de la rédaction et les journalistes devrait avoir lieu ce jeudi. Elle sera l’occasion de faire le point sur tous les dossiers brûlants.