La rédaction de Capital se rebiffe. Dans une lettre ouverte adressée à leur propriétaire, l’ultraconservateur et catholique Vincent Bolloré, la société des journalistes du mensuel économique lui enjoint de «renoncer au projet de rapprochement avec les rédactions de Lagardère (CNews, Europe 1, Le JDD…), qui menace son indépendance éditoriale». Sollicitée par l’AFP, la direction de Prisma Media, qui édite Capital, n’a pas fait de commentaire.
Vivendi, groupe contrôlé par Vincent Bolloré depuis 2014, a racheté en 2021 Prisma Media (il était, à l’époque, déjà propriétaire de Canal +). En décembre dernier, ce géant s’est scindé en quatre entités distinctes : Canal +, Havas (communication), Louis Hachette Group (édition et médias, dont Europe 1 et le JDD du groupe Lagardère) et ce qu’il reste de la holding Vivendi. En juillet, Prisma est entré en «négociation exclusive» pour racheter les titres people Ici Paris et France Dimanche.
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«Durant ces quatre années, les journalistes ont préservé au mieux la qualité et l’identité des marques du groupe», explique la société des journalistes de Capital. Mais à la fin du mois d’août, «tout s’est accéléré, déplorent les représentants de la rédaction. Serge Nedjar, directeur général de CNews, a été nommé directeur des rédactions de Prisma Media. Puis, nous avons appris notre déménagement imminent aux côtés de CNews, Europe 1 et le Journal du dimanche, en vue de rapprochements éditoriaux.» Alors les journalistes de l’avenir de leur média.
Enquête «réorientée» pour ne pas nuire au groupe
«Serge Nedjar a annoncé qu’il superviserait tout, déciderait de tout, imposerait certains sujets, en modifierait d’autres», ajoute la SDJ. Elle affirme que «l’angle d’une enquête sur le cigarettier Philip Morris a été radicalement réorienté, sous prétexte qu’il portait sur un client d’Havas».
Entendu début 2024 par les députés, l’intéressé avait assuré n’avoir «jamais subi aucune pression» de Vincent Bolloré. Tout en reconnaissant l’avoir au téléphone «presque quotidiennement, ou tous les deux jours, au sujet des audiences».
Hasard du calendrier, la publication de cette lettre survient le jour même du vote d’une grève pour deux jours par le personnel du journal le Parisien, propriété du groupe LVMH. En plus d’exiger 17 embauches en CDI, la rédaction veut «exprimer [son] opposition» à un éventuel projet de vente du quotidien au Groupe Bolloré, menace reparue au début du mois.