Elles sont deux à quitter la TNT. Ce mercredi 24 juillet, le gendarme de l’audiovisuel a tranché : les candidatures de C8, chaîne la plus sanctionnée de la télévision française (propriété de Vincent Bolloré), et de NRJ12 n’ont pas été retenues pour la réattribution des fréquences TNT en 2025, selon un communiqué du régulateur. L’Arcom indique avoir fondé sa décision sur «l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme des courants d’expression socio-culturels».
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Le coup de tonnerre n’a pas tardé à faire réagir internautes, politiques et le monde de médias. L’Arcom «a pris la mesure de ses responsabilités» en écartant C8, a notamment salué Reporters sans frontières (RSF) : «Avec cette décision, l’Arcom tire les premières conséquences logiques des dérives des antennes contrôlées par Vincent Bolloré», a réagi son nouveau directeur général, Thibaut Bruttin.
Après un long silence radio du côté de Canal +, son directeur général Gérald-Brice Viret, a dénoncé la «décision inédite» de l’Arcom comme étant une forme de «mépris pour le public». La nouvelle s’affichait plus tôt sur les bandeaux de la chaîne d’information en continu CNews, du même groupe – qui, elle aussi régulièrement rappelée à l’ordre, a été sélectionnée pour le renouvellement de sa fréquence. «Comment peut-on comprendre cette décision inédite dans l’histoire de la TNT vis-à-vis d’une chaîne qui a participé de sa popularité ?» s’est interrogé sur X le dirigeant, se disant «comme beaucoup, sous le choc».
Dans un mail interne, le PDG de Canal+, Maxime Saada, s’est également dit «sous le choc, et triste». Il ajoute que les directions du groupe et de C8 vont «prendre le temps d’analyser sereinement la situation qui s’impose à [elles]. Une chose est certaine : le groupe Canal+ s’est toujours illustré par son agilité, sa capacité à s’adapter et à rebondir».
Touche à mon poste
«La bataille se poursuit», a réagi le député Aurélien Saintoul (LFI), auteur d’un rapport au printemps, après les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur les fréquences télé. Avant l’annonce de l’Arcom ce mercredi, il avait posté sur X (ex-Twitter) : «Il se pourrait qu’aujourd’hui, comme disait Desproges, je reprenne deux fois des moules.»
Ses collègues insoumis à l’Assemblée mettent en avant Cyril Hanouna, le visage de la chaîne, responsable, selon eux, de ses dérives. «Bein alors “baba” [surnom que se donne l’animateur, ndlr] on cherche un petit “job d’été”», raille Sébastien Delogu sur X. Même son de cloche chez Louis Boyard : «Bon… chouchou sur la plage du coup ?» reprenant par la même occasion un message posté par l’intéressé sur le même réseau social. Cyril Hanouna y estimait que le député du Val-de-Marne était «la honte de la France», en lui recommandant d’aller vendre des pâtisseries en bord de mer. Cyril Hanouna avait par ailleurs insulté Louis Boyard d’«abruti», de «tocard», et de «merde» dans son émission Touche pas à mon poste.
Bon.. chouchou sur la plage du coup ? #C8 https://t.co/DyGR1E72AB
— Louis Boyard (@LouisBoyard) July 24, 2024
«Tout n’est pas permis en France. Et particulièrement de s’asseoir sur toutes les règles de pluralisme. C’est rassurant», a pour sa part exprimé la députée écologiste de la 9e circonscription de Paris, Sandrine Rousseau.
L’ancienne ministre de la Culture Rima Abdul Malak a, quant à elle, choisi de féliciter les nouveaux entrant sur la TNT : «Félicitations à Ouest-France TV et Réels TV [chaîne de Daniel Kretinsky, par ailleurs financeur de Libération] pour leur future entrée sur la télévision numérique terrestre ! Ces fréquences sont un bien public précieux.» Et d’affirmer que «l’Arcom [est] une autorité indépendante et exigeante qui veille à [la] juste allocation» des fréquences.
L’extrême droite s’indigne
A droite et à l’extrême droite, les réactions n’ont pas tardé non plus. Le (toujours) président des Républicains, Eric Ciotti, dénonce un «scandale démocratique retentissant avec la censure de C8 par l’Etat». Sur X, le conseiller départemental des Alpes-Maritimes estime que «les amis du pouvoir [sont] récompensés, les autres sanctionnés. La chaîne gratuite au plus grand succès populaire est bâillonnée». Une «dérive mortelle pour notre démocratie», selon lui. Il a également partagé un visuel, avec le logo de la chaîne en fond, «Touche pas à C8». Référence à l’émission animée par Cyril Hanouna.
Dans un communiqué, son groupe parlementaire A droite ! mitraille : «Notre système fou fait primer l’idéologie de gauche sur le succès.» Le groupe indique qu’Eric Ciotti «proposera une modification de la loi relative à la liberté de communication pour garantir la liberté d’expression et la pérennité des chaînes populaires».
«Pour le pouvoir, le pluralisme est insupportable», analyse pour sa part Marine le Pen. «Petit à petit, ils vont chercher à le faire disparaître pour que toutes les chaînes et radios délivrent le même message que l’audiovisuel public : un panel de toutes les nuances de gauche», prédit la Présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale.
«La gauche […] a eu le scalp de C8 en faisant pression sur une autorité “indépendante”», s’indigne de son côté Jordan Bardella. Selon le président du RN, «la gauche» ne «supporte aucune remise en cause de son hégémonie culturelle, aucune expression différente de la sienne». Il estime que «les censeurs se réjouissent d’avoir fait taire une voix pluraliste».
Le vice-président du parti d’extrême droite n’a pas tardé non plus à voler au secours de C8. Dans un message publié sur X, Sébastien Chenu considère l’Arcom comme le «bras armé du pouvoir». Selon le député du Nord, les membres de l’instance «saborde[nt] des chaînes indépendantes qui [leur] déplaisent». On ne peut plus rien dire, se plaint en substance ce cadre de l’extrême droite : «La France, ce pays de la liberté d’expression qui s’enfonce, s’enfonce…»
Mise à jour : à 14 h 30 avec de nouvelles réactions.
Mise à jour : à 15 heures 45 avec la réaction du DG de Canal +.