Des images générées par intelligence artificielle dans Libé ? Alors que nous avons toujours soutenu une culture de l’image et de la photographie d’auteur, nous voilà à faire mumuse sur MidJourney et Dall-E comme tout le monde. Justement. Dès le 8 décembre 2022 et notre une dédiée au phénomène ChatGPT, il a été décidé de ne pas utiliser d’images générées par IA à des fins éditoriales, sauf pour des sujets directement liés à l’IA. Mais pour ce nouveau dossier consacré à la montée en puissance de l’intelligence artificielle en politique, nous avons souhaité aller plus loin. Nous avons réfléchi à ce que nous demanderions à une IA, puis nous avons missionné un photographe et artiste plasticien avec qui nous collaborons. C’est Robin Lopvet, qui a récemment illustré notre article sur les hommes et le yoga ou celui sur les influenceurs, qui s’y est collé. Pratiquant la retouche numérique depuis une quinzaine d’années, il a utilisé MidJourney «comme un outil de plus dans la pratique du photomontage» pour nous donner à voir les électeurs français allant voter sous influence d’une IA ou le débat télévisé de l’entre-deux-tours avec une IA dans le rôle du journaliste. Les images que vous voyez dans ces articles sont donc générées par MidJourney, mais sous la direction artistique d’un humain, rémunéré pour son travail et surtout son imagination.
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Sachez que quand on demande à l’IA de se représenter, elle le fait le plus souvent sous la forme d’un robot anthropomorphique ou d’un hologramme tout droit sorti de la matrice. «Ce n’est pas elle qui se voit comme ça, fait remarquer Robin Lopvet. Elle colle simplement à notre propre représentation de l’intelligence artificielle.» Alors pour aller plus loin que le sempiternel droïde, le photographe a choisi de demander à MidJourney des «fils connectés à un ordinateur géant» dans Paris. «L’enjeu quand on utilise ces IA, c’est l’imagination. C’est la seule façon de se différencier», note celui qui regrette l’époque où ces outils lui offraient des résultats moins réalistes qu’aujourd’hui, de la «bouillie d’humain» plutôt que des imitations de photos issues d’une banque d’images.
«Aller plus vite»
Au fil de la journée, nous nous sommes gaussés, étonnés ou inquiétés des galères de MidJourney pour générer nos femmes et hommes politiques français. L’IA sait mettre en scène Emmanuel Macron ou Donald Trump – les fakes des derniers mois l’ont prouvé. Il connaît même trop bien Emmanuel Macron et le propose à tout-va dès lors qu’on demande «un homme politique français». Son autre vision de l’homme politique français : un effrayant mélange entre notre président de la République actuel, Nicolas Sarkozy et Eric Zemmour, a pu constater le plasticien. MidJourney patine un peu pour représenter Marine Le Pen, Edouard Philippe ou Jean-Luc Mélenchon mais y parvient plus ou moins. Quant à nos envies de représenter Marine Tondelier, Clémentine Autain ou encore Sophie Binet, on a dû vite laisser tomber. C’était le court-circuit total.
Qu’est-ce qu’on a gagné à bosser avec un humain qui lui-même fait bosser une IA ? «L’IA, c’est un outil qui peut permettre d’aller plus vite dans un domaine où on est déjà compétent. J’ai une vraie culture de l’image. Je sais ce que je veux voir et montrer», se défend l’artiste. Il nous a convaincus même si nos politiciens sous IA ont trois bras et dix-huit phalanges. Mais nos errances pour illustrer ce numéro auront fait progresser Midjourney. Alors pour notre prochaine une sous IA, on comptera les doigts pour vérifier. Mais on comptera surtout sur notre imagination.