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Décryptage

Dans les médias, la diversité peine à exister

Dans un rapport paru le 15 novembre, l’Arcom dresse le bilan d’une décennie de représentation à la télévision. Si les femmes sont un peu plus visibles à l’écran, les personnes racisées, précaires ou atteintes de handicap y sont toujours très peu présentes.
Dans un rapport paru le 15 novembre, l'Arcom dresse un état des lieux de la diversité dans les médias, de 2013 à 2023. (Riccardo Milani/Hans Lucas. AFP)
publié le 18 novembre 2024 à 18h47

A quoi ressemble l’individu type qui passe à la télévision ? C’est un homme blanc, âgé de 35 à 40 ans, CSP + et vivant dans un centre-ville. Et bien sûr, il est valide. Pour la diversité sociale, il y a encore du boulot. Le rapport, présenté le 15 novembre par l’Arcom, décrypte le contenu de 19 chaînes de la TNT de 2013 à 2023. Documentaires, journaux télévisés, films et émissions de téléréalités sont passés au crible. Les conclusions de l’étude sont en demi-teinte. Le nombre de femmes représentées a augmenté. En revanche, les personnes racisées y sont peu visibles, et la précarité et le handicap sont quasi inexistants à l’écran.

Un peu plus de femmes

En 2022, une tribune parue dans Libération déplorait la représentation inégale entre hommes et femmes dans les médias. Le bilan n’était pas glorieux, il tend désormais vers le mieux. La part de femmes à l’écran est passée de 37 % à 40 % en une décennie. En 2023, on comptait même 45 % de femmes dans les programmes faisant le plus d’audience. Et même si la représentation des femmes diminue globalement avec l’âge, «23 % des personnes de plus de 50 ans étaient des femmes en 2013 contre 28 % en 2023», soit une nette augmentation. L’étude montre qu’elles continuent toutefois à être associées à des thématiques très genrées, (l’éducation, les loisirs, la culture) et sont moins sollicitées pour parler de science ou de politique.

15 % de personnes non blanches

Le paysage audiovisuel est toujours très blanc. Ces dix dernières années, 15 % de personnes perçues comme racisées ont occupé l’écran. Dans les programmes de fictions, celles-ci incarnent des rôles positifs mais sont également assignées à des secteurs d’activité marginaux ou illégaux et cantonnées à des métiers peu qualifiés. Un constat étayé par une étude du collectif 50 /50 parue cette année, qui constate que les personnages d’origine arabe dans le paysage fictionnel sont souvent des vendeurs, des concierges, ou des femmes de ménage ; ou que les personnages noirs sont souvent cantonnés aux rôles d’agent de sécurité, de chauffeur de bus, de récetionniste... Sur les chaînes d’informations en continu, les personnes non blanches ne représentent que 10 % des effectifs, et y sont généralement présentées de façon négative. Lorsqu’il s’agit de parler de politique française, seules 8 % d’entre elles sont sollicitées.

Le handicap est quasi inexistant

C’est le grand absent des programmes télévisés. Entre 2013 et 2023, les personnes atteintes de handicap ne représentent que 0,7 % des personnes à l’écran. Elles sont quasi invisibles sur les chaînes d’information en continu, en particulier CNews et BFM TV qui ne leur consacrent que 0,3 %. L’étude relève également que, tous programmes confondus, «les personnes identifiées comme étant en situation de handicap sont perçues légèrement plus négativement que les personnes identifiées comme valides». Cela signifie qu’ils incarnent plus des «méchants» que des «héros», qu’ils agissent mal, ont une mauvaise conduite. Entre 2022 et 2023, les handicaps cognitifs ont été les plus représentés (40 %), comme par exemple dans l’émission mensuelle les Rencontres du Papotin sur France 2, animée par des personnes atteintes du trouble autistique. A l’inverse, la surdité est l’invalidité la moins visible (2 %).

Plus de quartiers populaires, mais moins de pauvres

Les centres-villes ont toujours le vent en poupe, mais les quartiers populaires ne sont pas en reste. Ils connaissent un bel essor sur le petit écran, passant de 3 % du temps d’antenne en 2022 à 10 % en 2023. Des fictions à succès ont contribué à mettre un coup de fouet aux chiffres. En revanche, à l’écran, la pauvreté devient une chimère. Alors que plus de 14 % de Français sont en situation de précarité selon l’Insee, seules 1 % de personnes défavorisées dans les émissions télévisées. Celles-ci occupent rarement les premiers rôles, sont souvent en arrière-plan. L’année 2023 bat même des records d’invisibilisation, montrant seulement 0,8 % d’individus précaires.

Le gendarme de l’audiovisuel salue toutefois des efforts de diversification dans les programmations les plus récentes, notamment lors des Jeux Olympiques de Paris 2024 mais constate que ceux-ci ne se répercutent pas encore sur le baromètre. Il faudra attendre le bilan de l’an prochain pour en mesurer leur ampleur.