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Libération
Tuyau percé

Diffamation contre Garrido et Corbière : le journaliste du «Point» Aziz Zemouri condamné à payer plusieurs milliers d’euros

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné lundi 12 mai le journaliste à 4 000 euros d’amende et 6 000 euros de dommages et intérêts, pour une enquête parue dans «le Point» où il accusait à tort le couple d’ex-insoumis d’avoir exploité une femme de ménage sans papiers.
Raquel Garrido, Alexis Corbière et leur avocat Xavier Sauvignet lors de l'audience au tribunal correctionnel de Paris, le 14 mars 2025. (Thomas Samson/AFP)
publié le 12 mai 2025 à 15h43

Quatre mille euros d’amende pour avoir écrit un article sur «une base factuelle lacunaire». La présidente de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a condamné le journaliste Aziz Zemmouri, ainsi que le directeur de la publication du Point, Etienne Gernelle, à une amende pour avoir affirmé, dans un article de 2022, que le couple d’ex-LFI Raquel Garrido et Alexis Corbière, employait une femme de ménage sans papiers. Ces derniers devront également recevoir la somme de 6 000 euros au titre des dommages et intérêts. La cour a également dénoncé l’absence de volonté d’Aziz Zemouri d’«étayer les informations recueillies».

La déontologie journalistique était au cœur du procès en diffamation intenté qui s’est tenu vendredi 14 mars dernier. «Vous avez une source unique qui est frelatée, des faits non vérifiés, un contradictoire qui est une farce : cette enquête ne tient tout simplement pas debout a fustigé dans sa plaidoirie l’avocat des parties civiles.

«Buzz organisé»

«Juger de la qualité de cette enquête, c’est comme jouer au jeu des sept erreurs», a poursuivi Me Xavier Sauvignet, qualifiant de «buzz organisé» l’article du Point. Ce dernier avait été publié en ligne le 21 juin 2022 avec la mention «Exclusif» et s’intitulait : «L’employée sans papiers de Raquel Garrido et Alexis Corbière». Le journaliste Aziz Zemouri y mettait en cause les deux membres du couple, tous deux alors députés LFI de Seine-Saint-Denis, les accusant d’exploiter une femme de ménage sans papiers qu’ils auraient par ailleurs «soumise à des cadences infernales».

L’article affirmait également que les députés, résidant à Bagnolet, scolarisaient leurs enfants à Paris. Dès le lendemain, l’hebdomadaire avait retiré l’article de son site et admis publiquement son caractère «faux» et «mensonger». Aziz Zemouri, qui a quitté l’hebdomadaire après cette affaire, avait aussi présenté ses «excuses les plus sincères», estimant avoir été «victime d’une manipulation».

Le procureur de la République a évoqué «un manquement à la prudence» et des informations qui n’ont pas été vérifiées comme elles auraient dû l’être. «Il s’est fait avoir ! Tout a été fabriqué pour que ça ressemble à quelque chose qui soit totalement vrai», a soutenu Me David-Olivier Kaminski dans sa plaidoirie en défense. L’avocat du reporter a défendu le professionnalisme de son client, un journaliste «qui est connu de tous pour sa probité professionnelle».

Escroquerie en bande organisée

L’ancien journaliste du Point a toujours affirmé devant les enquêteurs avoir été dupé par une de ses sources, un policier qui lui a donné le tuyau de la femme de ménage sans papiers. Les investigations ont ensuite permis de remonter jusqu’à Rudy Succar, un ex-chauffeur de Jean-Christophe Lagarde, député sortant et candidat UDI vaincu par Raquel Garrido dans la circonscription de Drancy.

Après plusieurs interrogatoires, l’ex-chauffeur avait reconnu s’être fait passer pour la femme de ménage auprès du journaliste sur demande pressante voire «obsessionnelle» de Jean-Christophe Lagarde, car celui-ci aurait voulu obtenir un élément compromettant contre sa concurrente. L’ex-député a dénoncé les mensonges «les plus absolus et les plus absurdes».

A l’audience, en mars dernier, Raquel Garrido a regretté l’absence des deux prévenus, l’auteur de l’article, mais aussi le directeur de la publication du Point, Etienne Gernelle, tous deux responsables selon elle d’une «des pires fake news de l’histoire politique moderne». Dénonçant un travail bâclé et un article politique, l’avocate et chroniqueuse a rappelé à la barre que d’autres journalistes ont très vite démonté l’enquête du Point.

«Il suffit de poser la question à n’importe qui à Bagnolet, c’est un village, tout le monde sait où on habite et où nos enfants vont à l’école et lui le grand reporter il n’a pas été capable de le faire , a ironisé l’ancienne députée. «Comment est-il possible qu’un grand hebdomadaire publie cela ?», s’est interrogé Alexis Corbière à la barre. «La différence entre un blogueur, un influenceur et un journaliste, c’est le fait que le journaliste, normalement, vérifie l’information», a poursuivi le député, qui siège aujourd’hui avec les écologistes.

Dans l’autre volet de l’affaire, Jean-Christophe Lagarde, Rudy Succar et Noam Anouar, le contact policier d’Aziz Zemouri, sont mis en examen notamment pour escroquerie en bande organisée. Aziz Zemouri est lui partie civile aux côtés du couple Garrido-Corbière.