«Avant «l’esprit Canal», il y eut «l’esprit Europe 1», souvent frondeur et impertinent, mais jamais partisan. Nous avons tous, à un moment ou à un autre, contribué à cette aventure. Europe 1 nous l’a bien rendu. Nous y avons parfois appris notre métier de journaliste. Et aujourd’hui encore, nous nous sentons porteurs de cet état d’esprit.» C’est dans une tribune publiée dans le Monde que 50 anciens journalistes d’Europe 1 ont apporté leur soutien ce dimanche aux salariés de la radio en grève depuis vendredi dans après la mise à pied d’un salarié.
Première grève en soixante ans
«Europe 1 fait face à un danger grave et imminent : l’instauration, sous la pression de Vincent Bolloré, actionnaire de Lagardère, d’une ligne éditoriale partisane en rupture totale avec la longue histoire de cette station, pionnière de la radio moderne», mettent ainsi en garde les signataires, parmi lesquels apparaissent d’anciennes personnalités marquantes de la radio, comme Philippe Alfonsi, Anne Sinclair, Ivan Levaï et Stéphane Paoli.
«C’est pourquoi nous souhaitons témoigner de notre totale solidarité avec les salariés d’Europe 1, en grève pour la première fois en plus de soixante ans. Nous sommes particulièrement indignés par la violence faite à ceux d’entre eux qui veulent exprimer simplement et clairement leurs inquiétudes légitimes», ajoutent les signataires de la tribune.
C’est une procédure de sanction disciplinaire visant un journaliste après des propos qu’il aurait tenus à l’égard d’une employée des ressources humaines, lors d’une assemblée générale organisée mercredi, qui a déclenché la colère des journalistes.
Depuis, un mouvement de grève a été voté vendredi à une large majorité. Les journalistes le souhaitant se déclarent chaque jour grévistes, ceci en plein week-end d’élections régionales et départementales. Une nouvelle assemblée générale est prévue ce lundi à 10 heures afin de décider des éventuelles suites du mouvement. «Bien sûr que nous en avons discuté, expliquait vendredi Olivier Samain, délégué syndical SNJ, à Libération. Mais c’est le problème de la direction, à eux d’assumer leur décision.»
«Vive l’indépendance d’Europe 1 !»
Plus largement, l’ambiance semble délétère depuis plusieurs semaines. Jointe par Libération, une salariée d’Europe 1 dénonçait vendredi le pourrissement de la situation joué par la direction : «Les mauvais signaux s’accumulent depuis des semaines, on apprend tout dans la presse, nos directeurs ne nous adressent pas la parole. On craint depuis longtemps la reprise de Bolloré, nous n’avons pas envie de tomber dans son escarcelle.»
«Nous sommes conscients que les responsabilités dans le désastre actuel de cette station, qui donnait souvent le ton aux autres médias, sont multiples, assurent les signataires de la tribune. Mais jamais son actionnaire principal n’avait tenté d’en faire un jouet politique partisan et un haut-parleur des haines qui agitent notre débat politique.» Et de conclure : «Nous sommes aux côtés des salariés qui se battent pour défendre les valeurs qui ont fait cette radio. Vive l’indépendance d’Europe 1 !»